Vladimir Poutine a réveillé l’optimisme

Extraits de l’interview accordée par M. Vadim Loukov, Ambassadeur de Russie en Belgique, au quotidien «Le Soir» (publiée le 26 novembre 2007)

Question: La récente décision de l’Odihr (le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme, au sein de l’OSCE) de refuser d’envoyer ses observateurs aux élections législatives russes était motivée par les conditions restrictives qui lui étaient faites par les autorités russes. Votre gouvernement est communément accusé d’avoir violé ses obligations à l’égard de l’OSCE…

Je sais, mais c’est inexact. La Russie s’est engagée à respecter les obligations auxquelles elle a expressément souscrites, dans le cadre des conférences intergouvernementales au sein de l’OSCE. La Russie jouera bel et bien selon les règles élaborées avec notre participation directe. Par contre, nous ne nous sentons pas tenus par des règlements dits de «tradition et d’acquis» développés par l’Odihr sans la participation des gouvernements, dont le nôtre. Tout cela n’a rien à voir avec la maturité des institutions démocratiques et des droits de l’homme.

Question: L’Odihr considérait notamment que vous acceptiez trop peu d’observateurs…

Il faut une symétrie dans les engagements entre les pays à l’est et à l’ouest de Vienne: pourquoi n’envoie-t-on pas plus de 20 observateurs aux Etats-Unis ? Aux dernières présidentielles, la commission électorale fédérale a renvoyé l’Odihr négocier ses envois d’observateurs aux Etats respectifs. Je vous ferai remarquer que nous avons redistribué le quota des observateurs attribués à l’Odihr aux autres organisations observant nos élections, dont le Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, dont je salue la décision d’envoyer leurs observateurs. Il y a d’ailleurs des tiraillements entre l’Odirh et l’OSCE elle-même: Miguel Moratinos (ministre espagnol des Affaires étrangères et président en exercice de l’OSCE) a eu notre ministre Sergei Lavrov au téléphone, et lui a textuellement dit: «Sergei, Mr Strohal (directeur de l’Odihr, NDLR) ne m’a pas consulté sur sa décision.» Si ce genre d’attitude perdure, cela enverra l’Odihr dans l’obscurité.

Question: Le moratoire décrété par la Russie sur son exécution du traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) est très mal perçu par vos partenaires…

Entre 1999 et 2007, seuls 4 pays sur 57 à l’OSCE ont ratifié et rempli leurs obligations relatives à ce traité: la Russie, le Kazakhstan, l’Ukraine et la Belarus. Pendant ce temps, les pays de l’Alliance atlantique ont dépassé leurs niveaux prévus de près de 6.000 chars, de 10.000 blindés, et de 5.000 pièces d’artillerie. A propos, cet excédent dépasse dans plusieurs aspects la Wehrmacht qui a envahi mon pays en 1941. Nous ne fermons pas la porte à un retrait de ce moratoire. Mais il faut que les pays baltes et la Slovénie, qui ont rejoint l’Otan, signent et ratifient ce traité. Il est inacceptable que ces pays qui n’étaient pas membre à l’époque soient venus renforcer l’Alliance sans le signer, alors qu’ils ont renforcé son armement (je parle des pays Baltes). Le traité adopté doit être ensuite observé à titre provisoire avant sa ratification. Et tous les pays doivent le ratifier d’ici juillet 2008. Enfin, il faut entamer des pourparlers sur un rééquilibrage des forces, qui s’impose suite à l’extension de l’Otan. Il est inacceptable que la Russie soit la seule contrainte à redéployer ses forces sur le territoire national. Au sud, le rapport des forces est de 12 à 1 en nombre de chars en défaveur de la Russie ! Nous sommes réalistes: il n’y a aucune intention de confrontation avec l’Otan. Mais nous exigeons la justice et l’équité dans le traitement.

Question: Votre gouvernement, c’est surtout votre président Vladimir Poutine. Il se présente aux élections législatives comme leader de son parti Russie unie. Imagine-t-on qu’il devienne bientôt le premier ministre, et l’exécutant du prochain président, dont personne n’a d’ailleurs l’idée de l’identité ?

Je ne sais tout simplement pas quel poste il occupera. Mais je suis convaincu qu’il restera le leader de la nation russe pendant des années. Pourquoi ? Parce qu’il a réussi ce que personne n’a réussi depuis Pierre le Grand. Il a réformé le pays, mais à la différence des prédécesseurs, la population le soutient ! Vladimir Poutine a réveillé l’optimisme de la société, qui était pessimiste jusqu’à la fin des années 90, voire même versait dans le sentiment tragique.

Question: Mais le problème n’est-il pas que tout le système repose actuellement sur le président Poutine ? On a un peu l’impression que sans lui, plus rien ne tient, les luttes de clans reprendraient, etc.

Vladimir Poutine réussi à élever une génération de responsables empreints de ce nouvel esprit d’optimisme. Des leaders, soutenus largement par le monde d’affaires, seront capables d’assurer la continuité de sa ligne politique.

Vous pouvez lire le texte intégral de l'entretien sur
http://www.lesoir.be/actualite/monde/russie-integralite-de-l-2007-11-26-563191.s...