COREE DU NORD NUCLEAIRE: L'EFFET PERVERS DE LA POLITIQUE DU BATON

Аватар пользователя Voix de Russie

par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti

Les réponses à la multitude de questions posées par l'essai nucléaire nord-coréen doivent être recherchées dans les événements du printemps 1998 où le Pakistan et l'Inde ont fait exploser leurs charges nucléaires respectives. La situation à l'époque avait découlé pour une large part des relations entre des deux pays voisins d'Asie du Sud et il n'y a là aucune analogie avec la Corée. Les Indiens affirmaient avoir fait exploser la bombe parce qu'ils savaient que le Pakistan préparait des essais nucléaires. Les Pakistanais soutenaient le contraire.

Quoi qu'il en soit, il est impossible de revenir en arrière. L'Inde et le Pakistan possèdent l'arme nucléaire. Dans quelques années, la Corée du Nord les rejoindra. Mais seulement dans quelques années. L'expérience du Pakistan, pays pas très riche, montre qu'entre le premier essai et la livraison de la première bombe à l'armée, il s'écoule beaucoup de temps. La Corée du Nord étant plus pauvre que le Pakistan, la comparaison est difficile. Les récents tests de missiles nord-coréens n'ont pas été un succès. Et pourtant ce n'est que partie remise. La Corée du Nord sera nucléaire. Pour déballer toutes les mauvaises nouvelles, l'Iran aussi peut, théoriquement, devenir un pays nucléaire. Peut-être aussi plusieurs autres pays, par exemple le Japon et la Corée du Sud, pour réagir ainsi au statut nucléaire de leur voisine. C'est que le droit international actuel n'offre pas beaucoup de moyens de punir un pays qui s'est doté seul de l'armée nucléaire. Le régime de non-prolifération suppose l'engagement bénévole des pays signataires des documents appropriés de ne pas transmettre la technologie nucléaire à des tiers. Partant, les pays concernés par le régime du Traité de non-prolifération n'ont pas le droit de recevoir cette technologie.

L'Inde n'a pas signé ce traité. La Corée du Nord s'en est retirée. Dans cette situation le travail absolument autonome de création de la bombe n'est pas passible de sanctions. Par contre, chaque pays est en droit de décider des mesures de rétorsion à adopter contre un Etat qui ne lui plaît pas, seulement ces mesures ne doivent pas dépasser le cadre de leurs relations bilatérales. Par exemple, il pourrait suspendre les échanges commerciaux, rompre les relations diplomatiques… L'usage de la force n'est pas une de ces sanctions et requiert l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU. Tout comme, d'ailleurs, n'importe quelle sanction générale, non bilatérale.

Il y a lieu de noter que le Conseil de sécurité a déjà examiné le problème de l'essai nucléaire nord-coréen. A l'avance parce que Pyongyang l'avait préalablement annoncé. Le weekend dernier, le Conseil de sécurité a préparé un projet de déclaration exhortant Pyongyang à annuler son essai et à revenir aux négociations à six sur le problème nucléaire. Cependant, le texte de la résolution ne comportait pas de renvoi au chapitre 7 de la Charte de l'ONU qui prévoit des sanctions, dont l'usage de la force. Les Américains ont proposé de faire ce renvoi mais leur proposition a été déclinée.

Décision logique car toutes les dispositions possibles contre la RDPC ont été prises, en premier lieu par le régime Pyongyang lui-même qui s'est isolé de la communauté internationale plus qu'aucun autre Etat. Restent l'arrêt de l'aide alimentaire humanitaire apportée par la Corée du Sud et le blocus des transports que peuvent instaurer Séoul, Moscou et Pékin. Ces mesures n'auraient cependant pas de sens, car entraîner une population innocente dans une catastrophe ne serait guère humain, ni raisonnable. D'autres mesures telles que l'envoi de navires de guerre patrouiller le long des côtes nord-coréennes seraient tout simplement absurdes. Depuis ces dernières années la diplomatie mondiale a cherché un moyen de supprimer l'échappatoire juridique dans le droit international que Pyongyang a utilisée aujourd'hui de façon pourtant prévisible. Deux moyens étaient utilisés, la carotte et le bâton, pour décider les Etats désireux de faire partie du club nucléaire à renoncer de plein grès à la bombe ou pour les y obliger. Par exemple en les accusant de ce qu'ils n'ont peut-être pas fait.

Aujourd'hui, on peut tirer la conclusion suivante: on a manié un peu trop le bâton. L'expérience de l'Irak a suggéré au régime nord-coréen, et pas seulement à lui seul, que la possession de la bombe, même en étant totalement isolé, semble être moins dangereuse que les négociations avec celui qui ne se lasse pas de proférer des menaces. Et même l'enceinte sextipartite dans laquelle toutes les puissances régionales sans exception se proposaient comme garantes des promesses faites à Pyongyang par les Etats-Unis n'a pas dissipé les craintes de la Corée du Nord. Bref, il ne fallait pas brandir le bâton et la carotte devait être plus attrayante. Telle est l'enseignement de plusieurs années d'efforts tendant à résoudre d'une façon ou d'une autre le problème nucléaire coréen.

Nul doute, les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon, Moscou et Pékin, tous écument de rage. Homme réservé, le président Vladimir Poutine ne s'est pas empêché de déclarer lors d'une réunion du gouvernement russe : "La Russie condamne sans réserve les essais effectués par la République Démocratique Populaire de Corée, et l'affaire ne se limite pas à la seule Corée, il s'agit d'un préjudice immense causé au processus de non-prolifération des armes de destruction massive dans le monde". En ce qui concerne la diplomatie chinoise, parlant de Pyongyang ou d'un autre pays, elle ne s'était pas servie depuis très longtemps d'une expression comme "régime impertinent". Cette fois elle ne s'en est pas privée.

Strictement parlant, on ne saurait aujourd'hui exclure des mesures violentes, notamment des actions militaires, ne serait-ce que pour montrer que le défi de Pyongyang n'est pas resté sans réponse. Le plus difficile est précisément de s'abstenir de réagir. Pour cette raison la première réaction officielle de Moscou (par la bouche du porte-parole officiel de la diplomatie) a été de demander le retour immédiat de la Corée du Nord au régime du Traité de non-prolifération et d'appeller tous les "Etats concernés" à faire preuve de retenue et de discrétion.

La conclusion qui s'impose dans cette situation est la nécessité d'une révision sérieuse par les principales puissances mondiales de ce qu'elles ont fait dans le domaine de la non-prolifération depuis ces dernières années et qui a abouti aux résultats que nous voyons aujourd'hui. A propos, la Russie avait prévenu par des canaux confidentiels et ouvertement que la pression (contre la Corée du Nord ou l'Iran) n'était pas la bonne méthode, et rappelé les pays qui avaient renoncé de leur plein gré et en toute responsabilité au statut nucléaire : l'Afrique du Sud, l'Ukraine, le Kazakhstan. Les diplomaties russe et américaine ont résolu ensemble ce problème et cette expérience est déjà évoquée dans différents mémoires et chroniques. Ce résultat n'a pas été obtenu à coups de bâton mais au moyen d'une approche plus fine.

Une révision des approches politiques requiert du temps. En attendant, on est enclin à croire que la péninsule de Corée restera pour toujours nucléaire.