QUAND LA CLASSE POLITIQUE PERD LA RAISON

Par Piotr Romanov, RIA Novosti
Le monde est de plus en plus déséquilibré, au point que nous avons parfois l'impression de vivre une comédie, sans que l'on sache s'il faut en rire ou en pleurer.
La Corée du Nord vient de procéder, comme promis, à un nouvel essai nucléaire. La veille ou presque, la télévision a montré un diplomate américain haut placé assurant l'humanité, tout sourire devant les caméras, que les Etats-Unis ne l'admettraient jamais. Il serait bon d'entendre l'avis d'un psychiatre compétent pour savoir si les Américains et les Nord-Coréens ont bien toute leur tête.
Comme si de rien n'était, la chaîne Euronews relate le bon déroulement des élections législatives en Lettonie, encore que le récit soit suivi d'une petite parenthèse: "Plusieurs dizaines de milliers de personnes n'ont toutefois pas pu voter malgré les recommandations réitérées des partenaires européens". Soyons précis: 400.000 russophones vivent aujourd'hui sous le label, absurde selon le droit international, de "non-citoyens". Si les journalistes minimisent le nombre des personnes privées du droit de vote en Lettonie, évitons de les accuser de calomnie. Qui sait, ils ont bien pu se tromper.
Il est impensable, par contre, que la très démocratique Union européenne puisse maintenir la Lettonie dans ses rangs et saluer les résultats des élections législatives dans un pays où 400.000 personnes sont privées des droits démocratiques fondamentaux depuis plus d'une décennie.
Ou bien la classe politique européenne a perdu sa raison si elle confond démocratie et démagogie.
La Géorgie vient elle aussi d'organiser des élections municipales. Seulement le scénario a été différent. D'abord, les militants de l'opposition les plus actifs ont été jetés en prison sous le fallacieux prétexte de complot. Ensuite, le scrutin a été anticipé pour que le reste de l'opposition n'ait pas assez de temps pour digérer le coup. Rappelons que, selon l'opposition, de véritables "escadrons de la mort" opèrent depuis longtemps sur le territoire géorgien sous l'oeil approbateur du président, ce que les militants des droits de l'homme européens feraient bien de vérifier.
Enfin, la commission électorale géorgienne a fait preuve de solides connaissances en arithmétique: dans une des circonscriptions, le parti vainqueur a recueilli 114% des voix. Il y a eu nombre d'autres violations. Mais qui s'y intéresse en Europe et, à plus forte raison, aux Etats-Unis, si le président géorgien Mikhaïl Saakachvili ne cesse de réitérer l'intention de son pays d'intégrer l'OTAN? La perspective de prendre pied dans le Caucase semble éclipser les souffrances de l'opposition géorgienne jetée en prison, et il suffit d'interroger les eurodéputés pour s'en assurer.
Depuis quinze jours, les relations russo-géorgiennes sont en effervescence. En réalité, elles sont mauvaises depuis bien longtemps, mais les choses deviennent ces derniers temps absolument anormales. Les tensions se sont aggravées après l'arrestation à Tbilissi d'un groupe d'officiers russes accusés d'espionnage. Nul ne pourra dire si ces accusations étaient vraies ou fausses. D'abord, en l'absence de leurs avocats, les officiers ont été condamnés à deux mois de prison, contre les 20 ans promis par les autorités géorgiennes. Ensuite, quand des représentants de l'OSCE sont venus réclamer leur libération, le président Saakachvili leur a livré les "espions" sans le feu vert du tribunal. La Géorgie a-t-elle besoin, en effet, des organes judiciaires? Le tout, naturellement, devant les caméras de télévision et en grande pompe, chacun des prisonniers libérés étant accompagné de trois à quatre dizaines de geôliers, comme si ces derniers avaient peur que les officiers ne préfèrent les 20 ans de prison.
On voudrait sincèrement remercier l'OSCE, mais il y a une question à laquelle les diplomates de cette organisation internationale sérieuse ont omis de répondre: sont-ils eux-mêmes au courant de l'existence du droit international? Car ils ne semblent pas étonnés de la rapidité avec laquelle les Russes ont été mis en prison puis libérés, toujours sans jugement ni enquête.
Les Espagnols ont fait récemment une déclaration non moins choquante en annonçant, au grand dam du monde civilisé, que l'Iran avait le droit de faire tout ce que bon lui semblait dans le domaine nucléaire, et que le lui interdire n'était pas très démocratique.
Pour être logique jusqu'au bout, Madrid devrait tout aussi bien saluer l'essai nucléaire nord-coréen.
Etant donné que l'Iran cherche ostensiblement à obtenir la bombe atomique et pas seulement à développer le nucléaire civil - sinon pourquoi avoir refusé les différentes offres qui lui ont été faites par la communauté internationale contre les garanties de non-prolifération -, la position de Madrid apparaît pour le moins controversée. Surtout quand l'Iran répète pratiquement toutes les semaines, par la bouche de son président Mahmoud Ahmadinejad, que l'Etat d'Israël, membre à part entière de l'ONU, comme l'Espagne, doit être rayé de la carte. Après les récents incendies dévastateurs en Espagne, Madrid semble ne pas avoir compris qu'il vaut mieux éviter de donner des allumettes aux pyromanes.
Enfin, la Russie rejoint elle aussi la liste que nous venons de dresser. A Moscou comme partout dans le monde, les responsables politiques aiment à disserter sur les doubles standards. Seulement peut-on comprendre la logique russe quand les sanctions contre l'Iran sont déclarées stupides, improductives et menant à l'impasse - telle est la position officielle de Moscou sur le dossier nucléaire iranien - et que les sanctions contre la Géorgie, malgré toutes leurs extravagances, sont au contraire perspicaces et efficaces?
Quelqu'un peut-il expliquer, après tout, où les élites politiques vont puiser leurs idées?
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