LE FUTUR SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU: "PLACE AUX FEMMES"

par Vladimir Simonov, RIA Novosti
S'agissant des nouveaux candidats au poste de secrétaire général de l'ONU, on a entendu "place aux femmes". La première s'est signalée. Ces jours-ci, la présidente de la Lettonie, Mme Vaira Vike-Freiberga, a annoncé officiellement qu'elle était prête à troquer sa résidence des rives de la Daugava contre le gratte-ciel de l'East-River.
On peut croire que cette décision courageuse a quelque peu découragé les cinq candidats déjà officiellement enregistrés au poste de chef du plus grand forum international. Le prince Zeid Hussein, cousin du roi Abdullah II de Jordanie, le vice-président thaïlandais Surakiart Sathirathai ou le ministre sud-coréen des Affaires étrangères Ban Ki-moon ne sont sûrement pas misogynes, mais ils croyaient et continuent de croire en l'équité de la loi non écrite qui prescrit le roulement géographique du poste de secrétaire général de l'ONU qui doit passer de continent à continent.
Cette fois c'est le tour de l'Asie. Les deux derniers secrétaires - Kofi Annan (Ghana) et Butros Butros-Gahli (Egypte) - ont représenté l'Afrique. Parmi les trois chefs de l'ONU qui les ont précédés il y avait un Européen, un Sud-Américain et un Asiatique. Le Péruvien Javier Perez de Cuellar a dirigé l'organisation dans les années 80. Mais l'Asie n'a pas eu de représentant à ce poste après U Tan (Birmanie) qui a servi les Nations Unies dans les années 60.
On peut comprendre le sentiment de frustration qui taraude depuis un certain temps la communauté diplomatique asiatique. Ses états d'humeur sont partagés par les Africains. Ensemble, ils constituent une majorité solide des membres de l'Assemblée générale de l'ONU. Le temps n'est-il pas venu de les écouter?
Nullement, a tranché la présidente de la Lettonie. Dans sa déclaration officielle, elle a rejeté d'un geste le principe géographique de l'élection du chef de l'ONU et produit, à l'appui de sa candidature, un argument à ses yeux irréfutable : aucune femme n'a jamais dirigé l'Organisation depuis 60 ans qu'elle existe.
Tout compte fait, inutile de discuter. Certes, l'égalité des sexes devra triompher tôt ou tard au plus haut sommet des Nations Unies. Même un regard rapide promené sur les pays et continents ne manque pas de capter la glorieuse constellation de femmes politiques dont chacune est théoriquement digne d'être la "first lady de l'ONU" : Tarja Halonen, présidente de la Finlande; Helen Clark, première ministre néo-zélandaise; madame le Dr Gro Harlem Brudtland, directrice générale de l'Organisation mondiale de la Santé.
Ces ladies qui se demandent si elles doivent ou non se porter candidates ne considèrent certainement pas Vaira Vike-Freiberga comme une concurrente. Pour celles-ci et la majeure partie de la communauté mondiale, la candidature de la Lettone présente un vice rédhibitoire. Elle est présidente d'un pays membre de l'OTAN.
Serait-il pensable d'avoir un secrétaire général de l'ONU capable, entre deux sessions du Conseil de sécurité, d'ordonner l'envoi d'une patrouille militaire aérienne de l'Alliance atlantique vers la frontière d'un des membres permanents de cet organisme, la Russie? Depuis que les pays Baltes sont membres de l'OTAN, des chasseurs de l'alliance sont en alerte permanente sur les aérodromes militaires aménagés à proximité de la frontière russe.
D'ailleurs, je n'exclus pas que l'appartenance de la candidate Vike-Freiberga à la communauté atlantiste puisse lui valoir la bienveillance de certaines capitales mondiales. Autrement, il serait difficile d'expliquer pourquoi l'idée de la faire déménager de Riga à New York est née, il y a un an, dans les médias américains précisément et pas ailleurs. Les commentateurs locaux sont enclins à considérer la présidente lettone comme une candidature très commode du point de vue des Etats-Unis. Commode est le mot juste: aujourd'hui on discute à New York, le lendemain le débat se poursuit au siège de l'OTAN à Bruxelles.
J'ai trouvé particulièrement amusant le passage de la déclaration de Mme Vike-Freiberga sur sa volonté de briguer le poste de secrétaire général de l'ONU où elle nous rappelle - puisque nous l'avons oublié - que l'ONU "joue un rôle substantiel dans la protection des diverses populations aussi bien des Etats riches que des pays pauvres".
Je me suis tout de suite souvenu d'un groupe important, que dis-je, très important puisqu'il compte 475.000 personnes, dont la présidente lettone pourrait prendre la défense tout de suite, sans se déplacer à cet effet à New York.
Ce sont les habitants russophones de son propre pays qui ont jusqu'à présent un passeport violet de paria, portant l'humiliante inscription "non-citoyen".
Plus de 40% de la population de la Lettonie sont voués à un sort bien triste: la déchéance politique et civile, les interdits professionnels, la discrimination dans la conduite des affaires, bref, le statut des gens de dernière catégorie. Telle est la politique nationale délibérément adoptée par Riga.
Telle est également la position personnelle de Mme Vaira Vike-Freiberga. Dans une récente interview la présidente lettone s'est exprimée sur la situation de la minorité russophone avec une belle franchise: "Il faut qu'ils comprennent que c'est un pays indépendant et que s'ils deviennent des Lettons d'origine russe, ils seront avant tout des Lettons. S'ils veulent rester Russes, qu'ils partent en Russie". En d'autres termes, un chef d'Etat a refusé en public à la quasi-moitié de la population de son pays le droit d'avoir sa langue nationale, ses traditions et sa culture. Pour mériter la citoyenneté lettone, le paria russophone doit, de l'avis de la présidente, se régénérer en Letton.
Le mépris de la Lettonie pour les droits des minorités nationales a pris un caractère de défi ostensible après le 1er mai 2004, date à laquelle elle a été admise à l'Union européenne. Alors, Riga s'est, semble-t-il, engagée à se conformer à ce que l'on appelle les "critères de Copenhague" d'appartenance à l'UE, y compris en matière de protection des droits de l'homme. Mais la politique d'apartheid envers les russophones n'a fait que se renforcer depuis.
Maintenant, on nous propose d'élire une personnalité politique qui partage cette vision inacceptable des valeurs humaines au poste suprême de l'Organisation des Nations Unies. Pourquoi? Pour qu'elle propage la même idéologie de l'intolérance pour les droits des minorités nationales à l'échelle mondiale? J'espère que le troisième tour du "concours de beauté", comme on appelle le vote préliminaire sur les candidats (fixé au 27 septembre), aboutira à un résultat réconfortant et montrera que les représentants des 15 pays membres du Conseil de sécurité sont toujours sains d'esprit et ne souffrent pas d'amnésie.
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