LE RETOUR DE LA RUSSIE EN AFRIQUE

Par Vassili Zoubkov, RIA Novosti
Après la désintégration de l'Union Soviétique, les rapports économiques avec les pays d'Afrique ont été relégués à l'arrière-plan. On estimait que les rapports avec une cinquantaine de pays d'Afrique n'étaient pas importants pour l'économie de marché russe. Qu'en est-il exactement?
Au début des années 90, les problèmes économiques intérieurs de la Russie l'ont contrainte à quitter l'Afrique. Le passage des relations économiques extérieures au niveau des Etats aux contacts directs entre les hommes d'affaires n'a pas donné d'emblée de résultats positifs. Au début du 21e siècle, le chiffre d'affaires des échanges commerciaux entre la Russie et les pays africains s'est réduit de 3,5 fois (en 1994, il était de 2,7 milliards de dollars).
Au fur et à mesure du rétablissement de l'économie russe et du renforcement du monde des affaires, l'intérêt pour l'Afrique s'est accru. Selon une tradition récemment établie en Russie, l'Etat soutient efficacement les grands projets des hommes d'affaires russes à l'étranger. Les récentes visites du président Vladimir Poutine dans les pays du continent africain, notamment en Afrique du Sud (à propos, il était le premier parmi les leaders soviétiques et russes à s'y rendre) permettent d'espérer que la situation a changé définitivement.
Quelle est la place de l'Afrique dans les relations économiques extérieures actuelles de Moscou?
D'après les statistiques douanières, en 2002, la part de l'ensemble du continent africain dans le chiffre d'affaires du commerce de la Russie avec les pays étrangers (sans la CEI) n'était que de 1,5 % (plus de 900 millions de dollars). Citons, à titre de comparaison, que les échanges sino-africains se chiffrent à des dizaines de milliards de dollars. Selon le président chinois Hu Jintao, son pays est devenu un marché en croissance rapide pour les exportations en provenance des pays africains. Les experts internationaux estiment que les transactions conclues par la Chine ces dernières années en Afrique visent à contrôler entièrement les livraisons de produits comme le cuivre et le pétrole.
Le commerce russo-africain atteint aujourd'hui 2 milliards de dollars, mais, dans le chiffre d'affaires de tout le continent (250 milliards de dollars), la part de la Russie ne dépasse pas 1 %. D'ailleurs, les statistiques russes du commerce extérieur ne sont pas précises, car une bonne partie des produits russes - camions, tracteurs, machines-outils et équipements industriels - sont fournis via l'Europe et Dubai aussi bien par des sociétés de courtage françaises et belges que par des sociétés russes enregistrées dans les zones off shore.
La comparaison avec d'autres pays industrialisés, par exemple, avec la France (en 1999, le chiffre d'affaires de son commerce avec l'Afrique était de 26,6 milliards de dollars), atteste également que les échanges entre la Russie et les pays d'Afrique sont, pour l'instant, insignifiants.
La différence est immense! C'est sans doute ce qu'avait en vue le directeur de l'Institut de l'Afrique de l'Académie des sciences de Russie, Alexei Vassiliev, en qualifiant la dernière décennie de coopération russo-africaine de décennie des "occasions ratées".
Il convient de mentionner également les traits spécifiques du commerce avec l'Afrique apparus ces quinze dernières années. Selon Vladimir Lopatov, expert de l'Institut de l'Afrique, il existe une tendance stable qui détermine la supériorité des exportations russes sur les importations en provenance d'Afrique. Elle témoigne que les clients africains sont intéressés par les produits russes, et pas seulement par les matières premières, comme l'Occident.
D'autre part, si les importations en provenance des pays industrialisés bloquent le développement de l'industrie et de l'agriculture russes, par contre, les achats en Afrique de matières premières et de produits de l'agriculture tropicale et subtropicale permettent de résorber le déficit que la production nationale est dans l'incapacité de combler.
Un autre point est également important: la Russie qui est, pour l'Occident, essentiellement un fournisseur de matières énergétiques et minérales, est, pour l'Afrique, un fournisseur traditionnel d'équipements énergétiques, de machines et de mécanismes pour le bâtiment, de camions et de tracteurs, de machines-outils et d'armes modernes.
Il est clair depuis longtemps que chaque dollar investi en Afrique rapporte bien plus qu'en Asie et en Amérique latine, sans parler des pays industrialisés du Nord. Cela explique l'accroissement des investissements étrangers dans l'économie des pays africains. Au cours de son récent voyage sur le continent africain, Vladimir Poutine a promis des milliards de dollars d'investissements de la part des hommes d'affaires russes dans l'économie africaine, ce qui prouve également que la Russie a des intentions sérieuses à l'égard de l'Afrique.
Recevant les ambassadeurs en juin dernier, le président russe a déclaré que la fin de la guerre froide avait mis un terme à la division d'antan de l'Afrique en Est et en Ouest, ce qui signifie que ce continent est devenu un nouveau "champ d'action" pour Moscou. Le rétablissement actuel des rapports économiques avec les pays d'Afrique repose sur une base solide. L'Union Soviétique y avait construit plus de 300 ouvrages économiques importants et formé des dizaines de milliers de spécialistes hautement qualifiés. Qui plus est, entre 1998 et 2004, la Russie a annulé les dettes des pays d'Afrique à hauteur de 14 milliards de dollars et accordé des préférences commerciales à 50 Etats du continent. Les Africains ne l'ont pas oublié, ils estiment que non seulement leurs pays sont nécessaires à la Russie, mais aussi que la Russie a besoin de l'Afrique.
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