L'assassinat d'Andreï Kozlov: pas de mystères mais un choc

Par Andreï Kolesnikov, commentateur politique de RIA Novosti
On devine plus ou moins les raisons pour lesquelles quelqu'un aurait voulu se venger du premier directeur adjoint de la Banque centrale (BC), l'un des architectes du système bancaire russe: il était chargé de la surveillance bancaire et du retrait des licences, se distinguait par une ténacité à toute épreuve et la rigueur de ses rapports avec les banquiers. Cependant, de là à décider de tuer quelqu'un parce qu'il est tenace ou revêche, et occupant un poste aussi élevé, il y a un pas qui relève de l'inhabituel et plonge dans la stupéfaction.
Andreï Kozlov était, disons-le, un mal-aimé, bien que ses hautes qualités professionnels aient fait l'unanimité. Un de ses collègues à la BC s'est souvenu que pendant la crise bancaire en été 2004, quand plusieurs banques s'étaient vu retirer leurs licences, une camionnette découverte transportant un bouc (Kozel en russe) enfermé dans une cage s'était arrêtée sous les fenêtres du département territorial moscovite de la BC qui d'ailleurs était très éloigné du bureau occupé alors par Andreï Kozlov. C'était là une mise en garde non dissimulée adressée au haut fonctionnaire qui menait la vie dure aux banquiers peu consciencieux. Seulement dans le fond de leur âme, presque tous comprenaient qu'en la personne d'Andreï Kozlov la BC ne faisait que définir les règles du jeu. Elles étaient un peu brutales, certes, mais le système bancaire russe avait besoin de se civiliser, il fallait le décriminaliser, le rendre plus stable et plus transparent. Au fond, pour le grand bien des clients et des utilisateurs des services.
De l'avis des spécialistes, près de la moitié des motifs d'inculpation pour blanchiment de revenus illicites étaient fournis par la Banque de Russie, les autres émanaient du Rosfinmonitoring (Service fédéral de surveillance financière). Et il y a eu vengeance. La vengeance est un plat qui se mange froid, dit un personnage dans un livre de Mario Puzo. Quoique ce crime ait pu aussi être une réaction "émotionnelle" au lendemain d'une discussion ou d'un événement dans lequel Andreï Kozlov aurait été impliqué.
Dans l'histoire de la Russie il était extrêmement rare que l'on attente à la vie des hauts fonctionnaires réglementant l'activité financière. A la fin des années 1990, la voiture du vice-ministre des Finances, Andreï Vavilov, avait été plastiquée, des coups de feu avaient été tirés dans une fenêtre de l'appartement habité par Sergueï Doubinine qui à l'époque était président de la BC. C'était une autre époque, les motivations était différentes. Et puis ces épisodes étaient tombés dans l'oubli. Les criminels ne s'étaient pas déshabitués de cette façon de régler les problèmes, ils avaient tout simplement cessé de "s'insurger" contre les représentants de l'Etat et des structures régulatrices. Mais aujourd'hui nous sommes en face de l'exécution froide et calculée d'un des principaux hauts fonctionnaires responsables du système bancaire et financier russe.
Un système d'ailleurs en voie d'assainissement, de plus en plus ouvert aux clients. Qui a cessé d'être exclusivement une officine de blanchiment de revenus illicites. Qui devient plus compétitif, habituel pour tous ceux qui recourent aux instruments bancaires pour régler leurs problèmes quotidiens. Le système bancaire russe gagne aussi en transparence et en clarté pour les utilisateurs intérieurs et extérieurs des services. Les Standards internationaux de comptabilité (IAS) qui sont introduits dans les banques russes depuis plusieurs années permettent de mieux réglementer l'activité des banques. Quant aux acteurs du marché, ils comprennent mieux leurs propres problèmes et trouvent plus facilement leurs solutions.
Il va de soi qu'une "résistance du milieu" existe. C'est inévitable. Mais ce qui pose problème, c'est que personne n'a été en mesure de prévoir le durcissement des méthodes utilisées pour matérialiser cette résistance.
Le coup de feu sensé stopper l'assainissement du système bancaire ne changera rien. Ce qui est dommage, c'est que pour ce développement il faille payer le prix maximum, celui d'une vie humaine.
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