La société civile contre l'extrémisme

Аватар пользователя Voix de Russie

Par Iouri Filippov, commentateur politique de RIA Novosti

La toute première discussion publique sur la lutte contre la xénophobie et l'extrémisme dans la société russe, organisée par la Chambre civile de Russie le 14 avril, a démontré que cette menace existait. Une grande partie de la société, et notamment la population active, est prête à la combattre, mais ne sait pas encore par quels moyens.

Malheureusement, l'analyste politique Viatcheslav Nikonov a raison de constater une demande stable en idées nationalistes au sein de la société russe: de 20% à 25% des électeurs sont toujours prêts à voter pour les hommes politiques avançant des slogans nationalistes. Plus de la moitié des personnes interrogées par les experts de la Chambre civile soutiennent le slogan "La Russie aux Russes!".

Evidemment, toutes ces personnes ne sont pas des marginaux ou des skinheads qui font partie de groupes de casseurs xénophobes.
Les pogroms, les assassinats pour des motifs ethniques sont bien sûr une forme d'extrémisme, un extrémisme pénalement répréhensible. Et bien qu'ils soient de plus en plus fréquents, on ne peut pas dire que ce mal ait envahi la Russie. Selon les estimations du vice-président du Congrès juif de Russie, Evgueni Satanovski, le niveau de la xénophobie en Russie est inférieur à celui constaté en Europe ou aux Etats-Unis.

Cependant, 44 assassinats pour des motifs ethniques commis en 2004 ont donné un signal d'alarme à la Russie, où le thème de la tension interethnique n'a pas été à l'ordre du jour depuis quelques décennies. Aujourd'hui, les informations sur la violence raciste ou ethnique constituent un supplément habituel dans presque chaque bulletin d'actualités hebdomadaire.
Ce sont les grands centres urbains avec une population de quelques millions d'habitants (Saint-Pétersbourg, Voronej, Rostov-sur-le-Don) qui occupent les premières places sur cette triste liste, et Moscou n'est pas la dernière dans ce "palmarès".
Certains experts étrangers proposent à leurs collègues russes de faire preuve de cynisme professionnel en la matière. "Dans un pays aussi grand, pluriethnique et multiconfessionnel qu'est la Russie, il serait impossible d'éradiquer l'extrémisme ethnique, disent-ils. Mais on doit l'empêcher de trop s'échauffer". De ces considérations, il faut conclure qu'un pourcentage "naturel" de crimes pour des motifs ethniques existera toujours, tout comme il existe un pourcentage "naturel" de chômeurs dans les pays industrialisés, alors que les ressources humaines n'y sont pas sous-employées.

Une telle approche paraît choquante à une grande partie des Russes, et surtout à la génération aînée, qui a survécu à la guerre et qui se souvient très bien de la victoire sur le fascisme, pour laquelle les paroles concernant "l'amitié fraternelle entre les peuples" ne sont pas des paroles en l'air.

Compte tenu des traditions historiques de cohabitation pacifique des différents peuples au sein de la Russie, il faut s'attendre à une position plutôt maximaliste des autorités et à une part active de la société civile dans la lutte contre l'extrémisme et la xénophobie. Ceci se manifeste aujourd'hui déjà: d'une part, dans le durcissement des peines pour les crimes et délits commis pour des motifs ethniques, de l'autre, dans cette vague de recommandations pratiques de la Chambre civile après la première discussion sur les problèmes de la xénophobie et de l'extrémisme.

Parmi ces recommandations figurent l'expertise de la législation et l'élimination des versions ethnocentristes de l'histoire présentées dans les manuels scolaires, l'ostracisme des extrémistes politiques devenus membres de partis parlementaires respectables et l'interdiction ferme de trop se consacrer aux questions raciales dans les recherches scientifiques.

La Chambre civile propose également de créer une chaîne de télévision nationale et une station de radio qui diffuseraient leurs émissions dans les langues des peuples de Russie, de procéder à un contrôle des éditions, d'élaborer un code éthique du journaliste, de créer des "comités de paix" locaux, tout ceci pour faire disparaître la xénophobie et l'extrémisme qui se sont déclarés subitement en Russie.

La liste des mesures proposées par la Chambre civile a donné à plusieurs experts l'impression d'un mélange quelque peu éclectique de recettes civiles bien connues de lutte contre le nationalisme et l'extrémisme. En attendant, on a du mal à voir comment l'Etat pourra mettre en oeuvre ces recommandations et à quel point elles seront efficaces. Mais la tendance est bien claire: la société civile en Russie rejette le nationalisme extrémiste et se montre prête à mener contre lui une lutte intransigeante.