LES RETOMBEES DE LA REFORME MILITAIRE RUSSE

Аватар пользователя Voix de Russie

Par Viktor Litovkine, commentateur militaire de RIA Novosti

La conscription débute ce mois-ci en Russie et se poursuivra jusqu'au 30 juin. A cette date, quelque 124.550 jeunes gens âgés de 18 à 27 ans ne bénéficiant pas de sursis ou d'exemption de service militaire auront été appelés sous les drapeaux. Si les amendements à la loi sur le service militaire promis par le ministère de la Défense, approuvés par le gouvernement n'ont pas encore été adoptés par le parlement et ne prendront effet qu'en janvier 2008, on voit déjà qu'ils exercent une certaine influence sur la conscription.

Premièrement, ce qui saute aux yeux c'est que l'on appelle sous les drapeaux non pas 150.000 jeunes comme en automne de l'année passée, mais seulement 124.500. Puisque les militaires se plaignaient constamment de ne pas disposer d'un nombre suffisant de conscrits - une circonstance qui avait servi de prétexte pour supprimer les avantages professionnels et, partiellement, sociaux - on s'attendait à ce que les généraux fournissent une explication plausible à cette "évaporation" d'un peu plus de 20.000 appelés, mais cela n'a pas été le cas.
Pourquoi cette différence numérique non négligeable observée entre deux périodes semestrielles?

Deuxièmement, le fond de la nouvelle conscription reste contradictoire entre la société civile et le département militaire à propos des suggestions des généraux de supprimer plusieurs "sursis sociaux" d'appel. La société est loin d'être certaine de la justesse de la proposition de supprimer les sursis pour les conscrits ayant des parents âgés à charge. Contrairement à ce que prétend le département militaire, les retraités n'exercent pas tous une activité professionnelle, par conséquent ils ne sont pas tous en mesure de subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Les jeunes ménages ayant un enfant âgé de moins de trois ans ne peuvent pas tous miser sur un soutien de leurs parents au cas où le père du bambin partait remplir son devoir de citoyen. Et bien que ces initiatives législatives ne soient pas encore réalisées et qu'elles n'influent en rien sur la conscription et le destin des jeunes qui rejoindront l'armée en avril-mai-juin prochain, les particularités de la conscription font l'objet d'un débat incessant dans la société.

C'est vrai que pour expliquer la différence entre le nombre d'appelés en automne et le plan prévu pour le printemps les militaires avancent le "succès du recrutement sur contrat de certaines unités opérationnelles". Cela concerne plus particulièrement la 46e division motorisée déployée en Tchétchénie et d'autres unités de plusieurs districts militaires. Ce qui a eu aussi pour effet de rendre moins aigu le problème du remplacement des soldats du rang et des sous-officiers arrivés au terme de leur service. Tout ceci est vrai. Mais cette explication ne recèle pas toute la vérité. C'est qu'à partir du mois de janvier 2007 la durée du service militaire sera ramenée à dix-huit mois et à douze en janvier de l'année suivante. Par conséquent, au printemps 2009 ceux qui auront servi deux ans plus ceux qui en auront servi dix-huit quitteront l'armée et la marine. Soit deux fois plus de gens rendus à la vie civile qu'en temps habituel, c'est-à-dire quelque 300.000 personnes. Aujourd'hui cela représente la moitié des effectifs sous les drapeaux.

La "différence" de 30.000 personnes exemptes de la conscription du printemps 2006, tout comme la même "différence" probablement prévue pour l'automne prochain, auxquelles il faut ajouter quelques milliers de "réservistes" bénéficiant de "sursis sociaux" mais qui en perspective seront privés de ce droit, doivent constituer pour les généraux la "réserve stratégique" au moyen de laquelle ils entendent colmater la brèche pratiquée dans l'armée et la marine par le départ "d'un coup" de près de 300.000 militaires. C'est vrai qu'alors, dans le cadre du programme fédéral finalisé de passage de plusieurs unités et formations opérationnelles au recrutement essentiellement contractuel, les effectifs devront être constitués à pas moins de 50% de militaires contractuels. Soit près de 200.000 soldats et sous-officiers. Ils formeront le "noyau d'acier" de notre armée et de notre marine, sur lequel la campagne de conscription ne devrait avoir aucune influence.

Quoi qu'il en soit, elle exercera quand même une "pression directe" assez forte. En effet, si aujourd'hui la situation ne change pas de manière radicale, le service contractuel dans l'armée et la marine ne deviendra pas un objectif de carrière attractif aux yeux des jeunes. Malgré toutes les promesses d'avantages faites au cours du service: hébergement dans des foyers confortables, inscription gratuite, à l'issue du service, dans les établissements d'enseignement les plus prestigieux du pays, et bien d'autres choses encore. Les 6-7.000 roubles par mois (environ 200 euros) promis aux futurs militaires contractuels alors que le salaire moyen dans le pays est de 7-8.000 roubles, n'ont rien d'attractif.

La dureté et les privations du service militaire n'offrent aucune comparaison avec la journée de travail d'un chauffeur de trolleybus qui, lui, perçoit un salaire de 22.000 roubles (environ 650 euros), ou celle d'un plombier dans une gérance d'immeuble qui touche un salaire mensuel de pas moins de 12.000 roubles et dont la journée de travail est de huit heures, une chose que le soldat ignore. Et puis en ce qui concerne le foyer, le ministre de la Défense admet lui-même que souvent il se réduit à un village de toile planté dans un champ. Cela non plus n'est pas fait pour inciter les jeunes à passer un contrat avec l'armée.

Quant aux études gratuites dans un établissement d'enseignement, il ne faut pas y songer. Il est peut-être vrai que l'ancien militaire n'aura pas à mettre la main à la poche pour payer ses études, mais personne ne l'entretiendra. Aussi de 75 à 80% des militaires contractuels sont-ils actuellement des appelés que l'on a "convaincus" de signer un contrat...

Le "petit jeu des chiffres" auquel le département de la Défense se livre ces derniers temps ne sauvera pas la situation. L'exigence du président de passer d'ici à 2008 au service militaire de douze mois sera probablement réalisée. Seulement pour surmonter la pénurie de soldats et de sous-officiers on sera forcément obligé de faire appel aux étudiants. Les diplômés n'ayant pas suivi les cours d'une chaire militaire seront tous sans exception appelés sous les drapeaux pour une durée de douze mois. Ce sera là la principale particularité de la conscription de l'automne 2008 que les militaires concoctent d'ores et déjà.