Le fallacieux parallèle Palestine-Tchétchénie

Аватар пользователя Voix de Russie

Par Marianna Belenkaïa, Artour Gabdrakhmanov, RIA Novosti

Dans beaucoup d’articles récemment publiés par les journaux belges, leurs auteurs établissent un parallèle entre la situation en Tchétchénie et la situation en Palestine, tout en évaluant négativement les contacts entre la Russie et les représentants du HAMAS.

Il est erroné de tirer un parallèle entre les situations en Tchétchénie et en Palestine. La comparaison est tout d'abord juridiquement déplacée. Le conflit de Tchétchénie est un conflit intérieur à un pays (Fédération de Russie - NDLR), alors que le conflit palestino-israélien implique deux sujets du droit international. La Tchétchénie fait partie du territoire de la Russie, et ce fait est reconnu par l'ensemble de la communauté internationale. Aussi, au cours des hostilités en Tchétchénie s'agissait-il de sauvegarder l'intégrité territoriale de la Fédération de Russie. Et aucun membre de l'Organisation des Nations Unies ne l'a remis en doute.

Pour ce qui est des Palestiniens, selon les résolutions appropriées du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale de l'ONU, c'est un peuple sous occupation. Ces mêmes résolutions enjoignent de régler toute une série de litiges entre Israéliens et Palestiniens, y compris la question des territoires, le statut de Jérusalem et le problème des réfugiés palestiniens. Les uns et les autres violent tant lesdites résolutions du CS de l'ONU que les ententes qu'ils ont eux-mêmes enregistrées autrefois. Aussi, même du point de vue juridique, ne peut-on pas affirmer que telle ou telle partie au conflit a tout à fait raison.

Encore une différence réside dans le fait que le HAMAS est arrivé au pouvoir par la voie légitime. Le peuple palestinien a voté pour le HAMAS, en l'investissant ainsi du droit de former le gouvernement. Qui plus est, la communauté internationale a indirectement reconnu ce droit, en acceptant les résultats des législatives palestiniens. D'autre part, Moscou est en règle générale indigné à chaque fois que d'autres Etats accueillent sur leur territoire soit des personnes qui ont été privées du droit de représenter les intérêts du peuple tchétchène soit des individus qui n'ont jamais eu ce droit. Il y a aujourd'hui en République de Tchétchénie un parlement légitime et un président tout aussi légitime, élus tous les deux par le peuple tchétchène. Et seuls le parlement et le président de la Tchétchénie sont habilités à parler au nom du peuple.

A souligner à cette occasion que le président Poutine n'a invité les représentants du HAMAS à Moscou qu'après que ce mouvement palestinien eut remporté les législatives en Palestine et non pas avant. Ce faisant, il ne sape pas la légitimité du gouvernement palestinien ni ne porte atteinte à la stabilité en Palestine, contrairement à tous ceux qui accueillent dans leurs capitales des terroristes tchétchènes.

Toujours est-il que la victoire du HAMAS aux dernières élections au parlement palestinien est une réalité effective. Aussi, n'est-il pas possible de nier cette réalité tout en reconnaissant les résultats des élections.

C'est pourquoi la question posée par certains médias occidentaux, citant des politiciens israéliens, et plus précisément le ministre des Transports, Meir Sheetrit - "Que dirait Poutine si Israël invitait des meneurs tchétchènes?" - n'est pas adéquate. Tout comme est totalement inadéquate la déclaration de ce même ministre israélien qui a qualifié l'initiative du Kremlin de "coup de couteau dans le dos" d'Israël. Rappelons qu'après la publication de l'initiative de Vladimir Poutine, les diplomates russes ont plus d'une fois précisé que les futures négociations avec le HAMAS à Moscou auraient aussi pour objectif de garantir la sécurité de l'Etat hébreu. Autrement dit, il s'agira, entre autres, à Moscou de l'abandon de la terreur par le HAMAS, de la reconnaissance par ce dernier de l'Etat d'Israël et du respect de toutes les ententes palestino-israéliennes enregistrées auparavant.

Par conséquent, les faits et gestes de Moscou ne contredisent pas les déclarations du "quartette" de médiateurs internationaux qui, à part la Russie, est composé des Etats-Unis, de l'Union européenne (UE) et de l'Organisation des Nations Unies. Et ce n'est certes pas par hasard que les autres membres du "quartette" n'ont pas formulé d'objections sérieuses à la future visite à Moscou des leaders du HAMAS. Les Etats-Unis ont seulement demandé des explications qui leur ont été fournies.

Rappelons à l'occasion que la déclaration adoptée par le "quartette" après la victoire du HAMAS aux élections en Palestine ne s'assignait guère pour objectif d'isoler ce mouvement et encore moins l'ensemble des Palestiniens.

Qui plus est, le HAMAS n'a même pas été mentionné dans les documents officiels de la dernière rencontre du "quartette". On lit tout simplement dans la déclaration finale de cet organe de médiation que la future assistance à tout nouveau gouvernement palestinien peut être revue par les donateurs en fonction de son attachement aux principes du refus de la violence, de la reconnaissance de l'Etat d'Israël et du respect des anciens accords et engagements, y compris de la "feuille de route". Signalons qu'elle "peut être", mais non pas "doit être" revue. D'autant plus que le gouvernement palestinien n'est pas encore formé et n'a pas pu, par conséquent, faire quoi que ce soit. Aussi, ne peut-on émettre aucun jugement. Et accuser la Russie d'avoir trahi le quartette serait déplacé..

On ne comprend pas, non plus, pourquoi tous ceux qui condamnent l'initiative russe (y compris les politiciens israéliens) ne disent rien à propos des négociations de l'Egypte avec le HAMAS ou de l'initiative de la Turquie qui se propose comme intermédiaire entre ce mouvement palestinien et l'Etat hébreu. Mieux, le ministre de la Défense d'Israël, Shaoul Mofaz, s'est rendu spécialement en Egypte pour discuter avec le président égyptien, Hosni Moubarak, de l'actuelle situation dans la région et transmettre par l'intermédiaire du Caire les revendications israéliennes au HAMAS. Mais pourquoi Moscou ne peut-il donc pas intervenir en tant qu'intermédiaire?

N'est-ce pas parce ce que les résultats des futures négociations moscovites permettraient au "quartette", y compris aux Etats-Unis et à l'Europe, de juger des perspectives des négociations avec les Palestiniens? Si effectivement les diplomates russes réussissent à persuader leurs collègues américains et européens qu'un tel dialogue est possible, il sera beaucoup plus difficile à Israël de renoncer à ses engagements face aux Palestiniens. Il convient de rappeler que cette même déclaration du "quartette", qui définit les modalités de sa coopération avec le gouvernement palestinien, insiste sur la nécessité du respect par Israël de ses propres engagements, dont l'arrêt de sa politique d'implantation de colonies de peuplement dans les territoires palestiniens.

Par ailleurs, le "quartette" a mis en garde les parties contre toute démarche unilatérale. Cela se rapporte justement en premier lieu à Israël qui, tout en prétextant l'absence de partenaire aux négociations, côté palestinien, s'apprête manifestement à pratiquer une politique unilatéraliste, en annexant tels ou tels territoires litigieux. Néanmoins, l'aval tacite de la communauté internationale ne sera possible que si elle admet qu'il est effectivement impossible de dialoguer avec les Palestiniens.

Et encore une question se pose. Pourquoi le gouvernement israélien juge-t-il possibles des négociations entre la communauté internationale et le FATAH qui a tenu le haut du pavé dans les territoires palestiniens avant les dernières législatives, tout en excluant une telle possibilité à l'égard du HAMAS? Et ce, bien que l'aile armée du FATAH se montre même beaucoup plus active que les formations paramilitaires du HAMAS qui observent un cessez-le-feu provisoire.

Il va sans dire que cela ne signifie pas du tout que la communauté internationale doit passer l'éponge sur tous les attentats perpétrés par le HAMAS par le passé ou fermer les yeux sur les devises idéologiques de ce mouvement. Pas du tout. Nul n'ignore que la Russie ne fait pas le distinguo entre le terrorisme, que ce soit à Moscou, à Tel-Aviv, à Londres, à New York ou ailleurs. Le Kremlin n'a jamais approuvé de telles méthodes de lutte contre l'occupation. Mais s'il y a une chance de faire en sorte que le HAMAS renonce finalement à la terreur, pourquoi ne pas la tenter? N'oublions pas qu'il y a à peine une vingtaine d'années, on ne pouvait même pas imaginer que les Israéliens se mettraient un jour à la table des négociations avec l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont le FATAH est d'ailleurs la composante essentielle. Pourtant, cela s'est bel et bien produit.

Ou un autre exemple puisé dans l'histoire de Russie. Akhmad Kadyrov avait appartenu à l'époque au camp des adversaires de la Russie. Cela ne l'a quand même pas empêché par la suite de négocier avec Moscou pour occuper finalement le poste de président de la Tchétchénie.

On doit bien comprendre, en outre, que l'isolement du HAMAS peut contribuer à radicaliser encore plus ce mouvement. Si l'assistance de l'Occident lui est refusée, il pourra sans doute trouver d'autres sponsors qui lui donneront de l'argent, à des fins non plus d'édification, mais d'exercice de la terreur. Pour le moment, la communauté internationale a encore une chance d'influer sur la future politique du HAMAS. Il n'est pas du tout évident que des changements se produisent très rapidement, mais cela ne signifie pas que l'on doit rater cette chance. Et la Russie fait justement tout pour ne pas la rater, en essayant de désamorcer la crise au Proche-Orient et de sortir le règlement palestino-israélien de l'impasse.