CONSEILS UTILES DE L’EUROPE

Аватар пользователя Voix de Russie

Par Youri Filippov, commentateur politique de RIA Novosti.

Les amendements à la législation russe concernant l'activité des organisations non gouvernementales (ONG) et organisations sans but lucratif n'entreront en vigueur qu'à la mi-avril prochain, soit quatre-vingt-dix jours après la publication de la loi appropriée.

Mais même ce résultat peut être considéré comme une réussite par le gouvernement russe qui espérait que la loi entrerait en vigueur tout de suite après les fêtes de Nouvel An. Force est de reconnaître que le projet de loi préparé initialement par le gouvernement n'était pas spécialement libéral, loin de là! A tel point qu'il a immédiatement révolté les organisations non gouvernementales de Russie, alarmées par le durcissement des règles du jeu et par la nécessité de se faire réenregistrer, les membres de la Chambre publique et même certains collaborateurs de l'Administration du président de la Fédération de Russie.

Une discussion très large a éclaté sur cette question précise qui a largement débordé le cadre de la Russie et a associé tant les politiques européens que les représentants du département d'Etat américain.

"Discussion" est sans doute le mot clé dans ce contexte. En effet, Moscou n'a jamais accepté, par le passé, de consultations aussi sincères et pratiquement publiques avec ses partenaires occidentaux sur les questions de sa législation nationale régissant la vie politique et sociale du pays. Des consultants occidentaux pouvaient donner des conseils au gouvernement russe quant à l'application de telles ou telles mesures économiques, et surtout à l'époque de l'essor du "Consensus de Washington". Quoi qu'il en soit, le Kremlin a toujours élaboré lui-même, et lui seul, sa ligne politique intérieure (par exemple, en Tchétchénie) et ce, même à l'époque la plus libérale de Boris Eltsine.
Il était tout à fait logique de supposer que, cette fois aussi, par la bouche de son représentant diplomatique, Moscou remettrait l'Occident à sa place, en le mettant en garde contre toute ingérence dans les affaires intérieures de la Russie.

Quoi qu'il en soit, tel n'a pas été le cas. Qui plus est, à l'issue de sa récente rencontre à Moscou avec la nouvelle chancelière allemande, Angela Merkel, Vladimir Poutine a même eu un comportement pratiquement diamétralement opposé. "Nous nous félicitons de ce que notre législation nationale fasse l'objet d'une telle attention de la part de nos partenaires, et nous concevons le plus grand respect pour cette attitude", a notamment déclaré le chef de l'Etat russe.

Par ailleurs, ce respect n'existe pas seulement en paroles. L'examen en deuxième lecture du projet de loi sur les organisations non gouvernementales a effectivement été reporté à maintes reprises à la Douma d'Etat (Chambre basse du Parlement russe), parce qu'une délégation russe avec à sa tête le ministre de la Justice, Youri Tchaïka, avait rapporté du Conseil de l'Europe les observations d'experts occidentaux. Aussi, a-t-il fallu du temps pour remanier le document, compte tenu des normes européennes, et c'est le président russe lui-même qui a apporté les amendements requis.

Mais pourquoi Moscou s'est-il mis à "s'ouvrir" tout à coup face à l'Occident dans cette sphère précise qui, tout récemment encore, était la plus fermée pour celui-ci? Ce n'est sans doute sous le coup des pressions extérieures. Plusieurs années de batailles diplomatiques autour de la Tchétchénie ont montré que la Russie n'écoute jamais les conseils de l'Occident et est même prête à s'y opposer catégoriquement si elle croît que ces conseils sont néfastes.

C'est que cette fois, les conseils de l'Europe étaient utiles. Autrement dit, les problèmes politiques que la loi sur les organisations non gouvernementales et les organisations sans but lucratif aurait dû résoudre sont d'ores et déjà réglés de facto en Russie. Mais il fallait tirer un trait sur la question, consacrer juridiquement le résultat. Et le concours des juristes européens, auréolés de leur prestige international, était inestimable. Pour s'en assurer, il a fallu prendre la peine de se déplacer à Strasbourg et de reporter à plusieurs reprises l'examen du projet de loi à la Douma.

Au cours de son entretien avec Angela Merkel, Vladimir Poutine a expliqué que l'une des tâches premières de cette nouvelle loi consistait à "exclure toutes les formes opaques de financement des activités politiques intérieures".

Néanmoins, alors que le projet de loi était seulement envoyé à la Douma, les fameuses "formes opaques" avaient pratiquement disparu en Russie. Les organisations occidentales les plus exécrables aux yeux des autorités russes, telle la "Soros Fondation" se plaisant à organiser des "révolutions colorées" dans l'espace post-soviétique, ne fonctionnaient plus dans le pays.
Il restait donc, répétons-le, à consacrer juridiquement ce résultat et à ne plus tolérer à l'avenir (y compris à l'aide des normes du droit européen) cette situation équivoque où les meilleurs savants russes et une bonne partie des hommes politiques aux vues démocratiques se retrouvaient d'un coup à la solde d'un génie financier étranger.

Par conséquent, on ne doit sans doute pas s'attendre à des complications quelconques pour la majorité écrasante des organisations non gouvernementales occidentales travaillant en Russie. Et si même certaines complications surgissement un jour, ce ne seront jamais des problèmes politiques, mais purement techniques. Or, de nouvelles complications très sérieuses peuvent plutôt surgir pour les organisations fondamentalistes islamiques, mais c'est une toute autre question qui n'a d'ailleurs rien à voir avec l'Occident.