PREMIER ANNIVERSAIRE DE LA REVOLUTION EN UKRAINE : LA CEI A-T-ELLE UN AVENIR « ORANGE » DEVANT ELLE ?

Par Arsenii Oganessian, commentateur politique de RIA Novosti
Le 20 novembre dernier, Kiev a été le lieu des célébrations du premier anniversaire de la "révolution orange".
Il y a un an, en effet, à la fin de l'automne 2004, les événements sur la place de l'Indépendance dans la capitale ukrainienne avaient attiré l'attention du monde entier. A l'époque tant l'Occident que Moscou attachaient une très grande importance à ces événements, bien que leurs évaluations de la situation ne fussent évidemment pas les mêmes, loin de là!
Quoi qu'il en soit, comme l'ont justement prédit les experts, la relève du pouvoir en Ukraine n'a débouché ni sur la réorientation géopolitique explicite de ce pays depuis l'Est vers l'Ouest ni sur une amélioration de la vie des Ukrainiens eux-mêmes.
L'équipe de "révolutionnaires oranges" s'est disloquée avec une rapidité tout à fait surprenante, en moins d'une année. Or, Viatcheslav Nikonov, politologue reconnu et membre de la Chambre publique de Russie, qualifie de tout à fait logique une telle évolution de la situation: "Les révolutions se terminent toutes de la même façon. Tout d'abord, chaque révolution qui, comme celles qui l'ont précédée, dévore ses propres enfants. Et la "révolution orange" n'y a pas fait, elle non plus, exception.
En effet, à l'heure actuelle, la plupart des leaders de Maïdan (Place de l'Indépendance) ne font plus partie du gouvernement ukrainien, mais ont d'ores et déjà rallié les rangs de l'opposition, qu'il s'agisse de Timochenko, de Porochenko, de Zintchenko et de beaucoup d'autres encore. Ensuite, nul n'ignore que quel que soit le type de révolution, elle n'allège pas le fardeau de la tyrannie, mais ne fait que le rejeter sur d'autres épaules. A ma connaissance, il n'y a pas de preuves attestant que l'actuel régime en Ukraine soit plus démocratique que celui de Koutchma. Et ensuite, n'importe quelle révolution a inévitablement pour effet une dégradation de la situation économique dans le pays", a résumé le politologue. A signaler que pratiquement tous les experts interviewés par RIA Novosti ont insisté sur la mauvaise situation économique qui prévaut en Ukraine depuis la venue au pouvoir de Viktor Youchtchenko.
Ce début novembre, le ministre de l'Economie de l'Ukraine, Arsenii Yatseniouk, a fait part au gouvernement des indices macro-économiques extrêmement bas du pays. Si, effectivement, l'année dernière, le produit intérieur brut (PIB) de l'Ukraine a augmenté de 12,1%, au cours des neuf premiers mois de l'année en cours, il ne s'est accru que de 2,8% tout au plus. Néanmoins, l'indice prévu de l'accroissement du PIB pour 2005 s'était monté à 8%. Selon Arsenii Yatseniouk lui-même, nommé tout récemment au poste de ministre de l'Economie, la brutale récession économique en Ukraine serait essentiellement due à l'ingérence administrative dans l'économie. Comme l'a signalé le ministre, les investissements dans les immobilisations en Ukraine ont été diminués par dix cette année.
Il va de soi qu'une telle situation a nécessairement une répercussion sur la cote de popularité de Viktor Youchtchenko. D'après un sondage réalisé durant le mois de novembre dans toutes les régions de l'Ukraine par le Centre d'étude de l'opinion publique de Razoumkov, les activités du Président Viktor Youchtchenko ne sont appuyées que par 14,3% des citoyens. En six mois (depuis février dernier), le niveau de son soutien a diminué de 32,4%. Qui plus est, le niveau d'appui par la population des activités du Parlement et du gouvernement de l'Ukraine se trouve à présent au plus bas depuis les élections présidentielles.
Pour ce qui est de la vision occidentale des "révolutions colorées" dans leur ensemble, selon le président de l'Université américaine à Moscou, Edward Lozansky, un an après le triomphe retentissant de la "révolution orange" à Kiev, on a tout lieu de constater que les partisans de la doctrine du Président des Etats-Unis, George W. Bush, sur la promotion de la démocratie à travers le monde deviennent de moins en moins nombreux. A l'inverse, de plus en plus d'hommes politiques et de simples citoyens des Etats-Unis se demandent si le soutien des forces d'opposition dans les pays-membres de la Communauté des Etats indépendants (CEI) répond effectivement aux intérêts stratégiques de l'Amérique elle-même, fait remarquer Edward Lozansky.
Et le politologue se demande s'il est raisonnable, en fait, de mettre en péril ses relations avec la Russie, en s'immisçant dans la sphère de ses intérêts légitimes au lieu de bénéficier de son appui dans une guerre globale contre la terreur. Quoi qu'il en soit, la victoire dans cette guerre globale n'est possible, d'après Edward Lozansky, qu'à la suite de la formation d'une puissante alliance russo-américaine. Et tous ceux qui s'emploient à compromettre cette alliance le font justement au détriment des intérêts nationaux de leurs propres pays respectifs et ce, quels que soient ces nobles paroles, telles que "liberté" et "démocratie", qu'ils utilisent pour se justifier, est tout à fait persuadé l'expert américain.
Tout porte à croire cependant que dans l'immédiat, certains pays de la CEI peuvent bien porter la couleur révolutionnaire. Et les experts sont plutôt unanimes à citer en premier la Biélorussie qui fait l'objet depuis quelques temps de pressions extrêmement puissantes de la part de l'Occident.
Le directeur de l'Institut international d'études humanitaires et politiques (Russie), Viatcheslav Igrounov, estime, par exemple, qu'en cas de départ d'Alexandre Loukachenko, pour une raison ou une autre, du poste de Président de la Biélorussie, ce pays pourrait bien vivre une "révolution de velours", suivie de la réorientation inévitable de Minsk vers l'Occident.
Pour sa part, Viatcheslav Nikonov dit carrément que "l'année prochaine, Alexandre Loukachenko aura de très graves problèmes".
En outre, certaines sources à Moscou supposent aussi une éventuelle réalisation d'un scénario révolutionnaire en Arménie.
N'oublions pas que tant Minsk qu'Erevan sont des alliés clés de la Russie respectivement en Europe Orientale et en Transcaucasie. Le rôle actif de l'Occident dans la préparation au démantèlement du régime d'Alexandre Loukachenko ne fait pas de doute. Cela est attesté tant par d'innombrables déclarations des politiques occidentaux qui taxent ouvertement Alexandre Loukachenko de dernier dictateur de l'Europe que par l'argent mis à la disposition d'une campagne de dénigrement visant les officiels de Minsk.
Pour ce qui est de l'Arménie, la situation y est sans doute beaucoup moins explicite, mais, comme le notent les sources de RIA Novosti à Moscou, l'Occident s'applique au maximum pour trouver des points communs avec certains représentants de l'élite politique arménienne. Les auteurs de certaines publications dans la presse insistent également sur la nécessité d'évincer la Russie de la Transcaucasie, en général, et de l'Arménie, en particulier.
Tout indique, par conséquent, qu'au moins, pendant le mandat de l'actuelle administration américaine, la Russie et l'Occident sont voués à une âpre concurrence dans leurs relations dans l'espace post-soviétique. On ne le comprend que trop à Moscou. Qui plus est, la signature du Traité sur les rapports d'alliance entre la Russie et l'Ouzbékistan qui est devenue une réussite incontestable de la diplomatie russe montre que Moscou est à même de mener un jeu géopolitique indépendant.
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