PAS DE SECURITE ENERGETIQUE EN ASIE SANS LA RUSSIE

Par Dmitri Kossyrev, commentateur politique de RIA Novosti
Une session du sommet d'affaires de l'APEC (Association de coopération économique Asie-Pacifique) tenu dans la ville sud-coréenne de Pusan avait eu pour thème: La sécurité énergétique et l'économie mondiale.
Une session de consommateurs plutôt préoccupés pour parler vrai.
Sur les 21 économies englobées dans l'APEC, une seule, celle de la Russie, fait figure de grand fournisseur de pétrole et de gaz. Jugez donc: depuis trois ans la Russie affiche des indices comparables à ceux du numéro un mondial du pétrole, à savoir l'Arabie saoudite. Dans le meilleur des cas les autres membres de l'APEC couvrent partiellement leurs besoins énergétiques avec leurs propres hydrocarbures (Etats-Unis, Vietnam, Malaisie, Thaïlande, Indonésie). Quant aux exportations (Brunei), elles ne représentent quasiment rien auprès de celles de la Russie. Au sein de l'APEC il y a même un pays (le Japon) qui importe la totalité du gaz et du pétrole qu'il consomme. Quoi qu'il en soit, le mot "Russie" n'a été prononcé qu'une seule fois, semble-t-il, au cours de la dernière session. Quant aux Russes qui y ont assisté, ils se sont montrés très attentifs mais n'ont soufflé mot.
Le Sommet d'affaires de l'APEC se déroule selon la forme classique de la conférence. Il a pour participants les dirigeants de 250-300 grandes corporations de la région Pacifique ainsi que certains présidents et premiers ministres de pays de l'APEC invités à y prendre la parole et qui ensuite tiendront leur propre forum. Au fond, nous avons devant nous le centre névralgique de l'APEC, le lieu où s'élabore la stratégie d'intégration des pays de la région Asie-Pacifique, où des chiffres inédits sont mis en circulation, etc.
Cette fois encore beaucoup d'idées lumineuses et de chiffres éloquents ont été lancés au Sommet d'affaires. Un exemple: toute augmentation de 10 dollars du prix du baril de brut ralentit de 0,3-0,5% la croissance du PIB global. Calculées sur la base du niveau actuel de l'extraction, les réserves confirmées de pétrole et de gaz suffisent pour assurer la consommation mondiale pendant respectivement 41 et 67 ans. Cependant, comme le président du groupe industriel sud-coréen Deasung, David Kim, l'a indiqué, en 2030 la région Asie-Pacifique en plein essor sera dépendante à 66% des sources extérieures d'hydrocarbures. Les participants à la conférence se sont penchés tout particulièrement sur le problème de la Chine dont les besoins en pétrole devraient augmenter annuellement de 20 à 25% au cours des 5-10 années à venir. Jusqu'où grimperont alors les prix du pétrole? Voilà la question globale qui était sur toutes les bouches.
Le président de la Chine, Hu Jintao, a rappelé à l'assistance que pour le moment la Chine couvrait plus de 90% de ses besoins en énergie, principalement grâce au charbon, que deux tiers du potentiel hydroénergétique du pays n'avaient pas encore été touchés et que de 1990 à 2004 le rendement de l'utilisation des ressources énergétiques s'était accru de 45%. Cependant, cela n'a pas pour autant dissipé les craintes. Selon des estimations avancées au sommet, la croissance économique dans la région couverte par l'APEC s'est chiffrée cette année à seulement 3,5% alors qu'elle avait été de 4,3% en 2004. Cette décélération est due au coût trop élevé du pétrole et du gaz.
Le silence mystérieux observé par les délégués russes au Sommet d'affaires (cette année ils étaient venus à 35 - chiffre record - conduits par une forte délégation de Gazprom) s'explique par deux raisons. Premièrement, la Russie n'a pas encore élaboré de stratégie énergétique bien claire pour cette région. Elle est seulement en gestation, notamment aux forums de ce type. Deuxièmement, un sentiment de satisfaction transpirait dans le silence des représentants de la superpuissance pétrogazière. Parce que le début de l'expansion pétrogazière de la Russie sur les marchés de la région Pacifique est patent. Ce sont les projets Sakhaline 1 et Sakhaline 2 qui fournissent de la matière première au Japon. Nous n'oublierons pas non plus le projet Pacific pipeline, qui continue son petit bonhomme de chemin et devrait approvisionner en brut la Chine et d'autres pays.
Pour la venue à Pusan du président russe, Vladimir Poutine, on avait préparé à la signature de nouveaux accords de Gazprom et de la compagnie sud-coréenne COGAZ concernant des livraisons de gaz sur un seul itinéraire d'exportation ainsi que la coopération technique. A partir de 2008, une autre compagnie russe, Sakhalin energy, fournira du gaz liquide sakhalinien à la République de Corée (1,5 million de tonnes par an).
Auparavant il semblait que toute stratégie pétrogazière de la Russie dans cette région se heurtait à un obstacle géographique naturel, à savoir le fait que la Russie était séparée de la plus grande partie de la région Pacifique soit par des mers, soit par le territoire chinois. Cependant, la seule coopération avec les Coréens montre que la Russie est à même d'exporter non seulement des matières premières, mais encore des équipements et du savoir, pour lesquels la géographie n'a rien d'insurmontable. Cela s'est manifesté avec clarté à Pusan où en vue des rencontres bilatérales de Vladimir Poutine avec ses homologues régionaux on avait préparé à la signature des accords de partenariat entre la compagnie pétrogazière thaïlandaise RTT, d'une part, et Gazprom et Vneshekonombank, de l'autre. Au-delà de ces documents on devine l'intention des énergéticiens russes de s'implanter en Asie du Sud-Est, un marché foncièrement nouveau pour eux si l'on fait abstraction du Vietnam.
Ces projets comportent non seulement la pose d'oléoducs et l'exploitation de gisements sur le plateau continental de la région, mais encore l'utilisation du savoir-faire inédit de Gazprom en matière de gestion de réseau de distribution du gaz. Il est question de la participation de la Russie à la mise en place d'un réseau énergétique interconnecté à l'échelle de l'Asie du Sud-Est.
Ce que ces entreprises recèlent de plus intéressant, c'est que la Russie n'y figurera pas en qualité de fournisseur d'hydrocarbures. Au contraire, la partie russe interviendra exclusivement dans le rôle de fournisseur de technologies, un produit "intelligent" par excellence. Or, c'était là l'objectif stratégique initial avec lequel la Russie avait adhéré aux organisations internationales du type de l'APEC.
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