Russie: les trois scénarios de l'après-Poutine

Par Olga Guerassimenko, du journal "Troud"
La décision sensationnelle de Vladimir Poutine de conduire la liste électorale du parti Russie unie aux prochaines législatives est au centre des débats en Russie. La majorité des analystes estiment que cette démarche politique est si forte qu'elle ne fait pas qu'estomper le problème du successeur à la présidence, mais qu'elle fait penser aussi à une refonte radicale éventuelle des institutions du pouvoir dans le pays. Il en découle les versions les plus inattendues.
PREMIERE VERSION. Après la victoire triomphale de Russie unie, Vladimir Poutine devient leader de ce parti (en ce moment, il n'appartient à aucun parti et les listes électorales du "parti du pouvoir" comptent huit autres sans-parti) et démissionne avant la fin du terme de son mandat de président. Des amendements radicaux sont apportés à la Constitution concernant la répartition des pouvoirs entre les branches du système: la majorité parlementaire forme désormais le cabinet des ministres, le président devient une figure décorative qui n'exerce, en fait, que des fonctions représentatives. En fin de compte, il s'agit d'une république parlementaire classique, au lieu de la république superprésidentielle actuelle. En 2008, Vladimir Poutine, leader de la plus grande fraction de la Douma (chambre basse du parlement russe), devient premier ministre investi de superpouvoirs. De plus, un parlement à plusieurs partis est en place dans le pays: à la suite des élections de décembre, quatre ou cinq partis sont représentés à la Douma. C'est un "modèle italien". La possibilité d'un tel scénario est prévue aujourd'hui aussi bien par des experts politiques réputés que par de prestigieux hommes politiques. Ainsi, la gouverneure de Saint-Pétersbourg Valentina Matvienko a déclaré: "La Russie avance graduellement vers un système politique civilisé, où le parti qui remporte les élections forme le gouvernement. Si le parti Russie unie remporte les élections, il formera le gouvernement qui sera dirigé par Vladimir Poutine".
DEUXIEME VERSION. La Russie reste une république présidentielle, dans laquelle le rôle du parlement s'accroît considérablement. Un système politique foncièrement nouveau est en voie de formation: un "système à parti prédominant". Un tel système existe, par exemple, au Japon où le parti libéral-démocrate se maintient au pouvoir depuis de très nombreuses années et en Suède où le Parti social-démocrate des travailleurs a remporté les élections pendant très longtemps. Chez nous, ce rôle sera joué par le parti Russie unie.
Les spécialistes qualifient aussi ce système politique de modèle "français": le parlement y joue un rôle très important dans la nomination du premier ministre. Ce point de vue est partagé par Valeri Khomiakov, membre du Conseil pour la stratégie nationale, qui émet cependant une réserve: "Evidemment, le rôle de notre parlement s'accroîtra, mais à condition que Vladimir Poutine reste longtemps leader du parti Russie unie. Quant à moi, je doute que Poutine accepte de devenir premier ministre. La décision de nommer ou de limoger le chef du gouvernement appartient au président. Est-ce que Vladimir Poutine sera d'accord pour dépendre de qui que ce soit? Mais, d'autre part, Russie unie peut apporter des amendements à la loi sur le gouvernement: par exemple, il peut adopter une décision, selon laquelle le premier ministre ne peut être nommé et limogé qu'avec l'accord du parti qui remporte la majorité des voix aux élections".
TROISIEME VERSION. Russie unie obtient la majorité constitutionnelle, conserve une situation prédominante au parlement et propose son candidat au poste de premier ministre. La Constitution reste inchangée: tout simplement, le président et le premier ministre échangent leurs places. Le premier ministre s'appuie sur l'immense majorité parlementaire, son influence sur les structures de force est conservée dans un contexte informel. Le centre du pouvoir passe, pendant un certain temps, au gouvernement. Ensuite, vers 2012, si la situation du pouvoir actuel est favorable, tout revient à sa place. Cette variante de développement des événements est soutenue par Alexeï Makarkine, expert du Centre d'études politiques. "Vladimir Poutine n'a jamais répondu par la négative à la question de savoir s'il se présentera ou non en 2012, souligne l'analyste. Je ne crois pas que le pouvoir parlementaire puisse s'affermir considérablement durant cette période: il sera plutôt un soutien, une ressource pour l'actuel chef de l'Etat". Par conséquent, un des scénarios du retour constitutionnel de Vladimir Poutine à la présidence sera mis en oeuvre.
D'ailleurs, il y a d'autres versions. De l'avis de Stanislav Belkovski, président de l'Institut de stratégie nationale, "Vladimir Poutine ne sera pas premier ministre, autrement, il n'en parlerait pas. Il s'agit d'une tactique visant à maintenir les élites sous tension au cours des prochains mois. Vladimir Poutine ne restera pas au pouvoir. Quant à sa participation à la vie politique, il préfère probablement devenir un fonctionnaire international, une personnalité politique. En ce qui concerne la Constitution, elle peut être modifiée dans un avenir prévisible, mais pas pour Vladimir Poutine. Le mythe de son retour en 2012 est le même que celui de ses fonctions de premier ministre. Nombreux sont ceux qui y croient, moi, je n'y crois pas".
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