L'EUROPE SOUDEE PAR LE LIBAN

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Par Vladimir Simonov, RIA Novosti

Le seul résultat positif des 34 journées d'affrontements entre Israël et le Hezbollah pourrait peut-être bien être la disposition recouvrée des pays de l'Union européenne à appliquer une politique extérieure unie. A la différence de la guerre en Irak, le conflit au Liban a soudé l'Europe ce qui, vous en conviendrez, est assez inattendu.

Les premiers groupes de militaires de pays européens arriveront dès cette semaine au Liban sud. Par la suite ils constitueront la moitié de ce que l'on appelle la FINUL-2, c'est-à-dire la Force intérimaire de l'ONU aux effectifs de 15.000 hommes. Selon le secrétariat de l'ONU, l'Italie et la France ont promis de fournir les plus gros contingents: 3.000 et 2.000 casques bleus respectivement. La Pologne, la Belgique, la Finlande et la Slovénie feront elles aussi un apport pour atteindre le chiffre prévu de 7.000 militaires européens.

L'Union européenne doit être applaudie pour avoir suscité un élan enthousiaste unanime chez ses membres. Il y a deux semaine encore personne n'aurait cru la chose possible. A la fin du mois de juillet, lorsque les affrontements entre Israël et les milices du Hezbollah avaient pris l'aspect d'une nouvelles guerre proche-orientale, les dirigeants de l'UE avaient plongé dans une stupeur étrange. Par la suite cette oisiveté avait peu à peu évolué en souci d'abandonner l'initiative aux Etats-Unis pour ne pas à avoir à prendre de décisions autonomes.

Ces jours-là les pays de l'UE s'étaient comportés à la manière du stéréotype irakien. La Grande-Bretagne avait regagné le giron des Etats-Unis, appuyant ceux-ci dans leur volonté de mettre à la disposition d'Israël une fenêtre chronologique pour essayer de détruire l'infrastructure militaire du Hezbollah. La France, au contraire, s'était solidarisée avec les Etats qui réclamaient un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel.

Dans l'ensemble les événements au Liban ont mis à rude épreuve les espoirs de l'UE que ses membres sont capables d'avancer dans le sillage d'une politique plus ou moins commune en ce qui concerne les relations internationales et la sécurité. Aujourd'hui un soupir de soulagement peut-être poussé à Bruxelles: oui, ils en sont capables.

Quoi que cette progression comporte aussi des zigzags en épingle à cheveu. La France qui dans un premier temps avait accepté de prendre la tête de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban sud avait soudainement ramené son contingent à 2.000 hommes craignant que le mandat de l'ONU implique une participation au désarmement du Hezbollah. Cependant, Jacques Chirac est revenu sur sa position initiale, mais il prétend quand même que la FINUL-2 forte de 15.000 hommes est pléthorique pour le Liban. "Quel doit être le chiffre juste: 4.000, 5.000, 6.000, je n'en sais rien", a déclaré le président français.

D'ailleurs, ce sont déjà des détails secondaires. Ce qui est essentiel, c'est que l'Union européenne dans sa nouvelle composition élargie a probablement réussi pour la première fois à placer sous un dénominateur commun les positions de ses membres en ce qui concerne le rôle dirigeant de l'UE dans le maintien de la paix dans l'un des points chauds de la planète. En se suppléant à l'OTAN par dessus le marché. Car initialement Israël estimait que l'Alliance de l'Atlantique Nord devait jouer un rôle leader dans la Force de stabilisation au Liban.

L'efficacité de la FINUL-2 dépendra dans une grande mesure de la capacité des casques bleus à aider l'armée libanaise à rendre les frontières maritimes et terrestres du Liban imperméables aux livraisons d'armes pour le Hezbollah en provenance de la Syrie et de l'Iran.

Tout indique que ce mouvement chiite traverse actuellement une mauvaise passe. La joie provoquée par l'incapacité d'Israël à lui infliger des blessures mortelles est gâchée par la détérioration de ses rapports avec la population libanaise. En effet, il semble bien que les Libanais commencent à considérer les combattants du Hezbollah comme les responsables des malheurs apportés par la guerre. Autrement il serait malaisé d'expliquer le repentir exprimé à la télévision libanaise par Cheik Hassan Nasrallah. Le chef du mouvement a pratiquement admis que l'enlèvement de soldats israéliens le 12 juillet avait été un acte déraisonnable au vu des destructions et des souffrances qu'il avait eu pour conséquences.

Cependant, cela ne signifie par pour autant que le Hezbollah voudra se désarmer. Les casques bleus eux non plus ne désarmeront pas les milices du Hezbollah par la force puisque cela n'est pas mentionné dans leur mandat. En attendant, il est clair que l'armistice au Liban sud sera aussi solide qu'une bulle de savon tant que son territoire sera truffé de combattants armés et de caches bourrées de roquettes.

Ici force est de se rappeler qu'au moins un pays membre de l'Union européenne, la Grande-Bretagne, possède une riche expérience en matière de désarmement d'organisations nationalistes jadis toutes-puissantes.
Il s'agit de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), qui dans les années 70 avait disposé de types d'armes ultramodernes et de stocks impressionnants d'explosif Semtex grâce à un généreux financement de la diaspora irlandaise aux Etats-Unis et à des livraisons secrètes en provenance essentiellement de la Libye. Des négociations de désarmement sont menées avec l'IRA depuis la fin des années 90 avec plus ou moins de succès. Depuis le mois d'octobre 2001, pour contrôler les modalité de remise des arsenaux aux autorités, Londres fait appel à des observateurs internationaux comme le général canadien John de Chastelain et l'ancien premier ministre finlandais Martti Ahtisaari.

Il est bien sûr risqué d'établir des parallèles. Cependant, étant donné qu'en principe toutes les parties sont intéressées à ce que la paix règne au Liban sud, il n'y a pas lieu de désespérer. L'expérience européenne montre qu'un processus de négociation stable débouchant sur un désarmement progressif du Hezbollah n'a rien de chimérique.