PROCHE-ORIENT: LE CONSEIL DE SECURITE N'A PAS DE "BAGUETTE MAGIQUE" POUR ARRETER LA GUERRE

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Par Marianna Belenkaïa, commentatrice politique de RIA Novosti

Le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies essaie d'élaborer une résolution qui puisse mettre fin à la confrontation entre Israël et le Hezbollah. Quoi qu'il en soit, tous ses efforts se heurtent à une multitude de détails techniques et de nuances qu'Israël et le Liban exigent de prendre en compte.

Mais même si le Conseil de sécurité réussit à trouver un compromis et qu'une telle résolution est enfin adoptée, pourra-t-elle effectivement contribuer à la stabilisation de la situation au Proche-Orient et garantir que l'effusion de sang à la frontière libano-israélienne ne se répète plus jamais?

Et là, il convient sans doute de rappeler les paroles du premier ministre israélien, Ehud Olmert, selon lequel ce n'est pas le Hezbollah mais l'Iran qui est l'ennemi d'Israël et qui utilise tout simplement le mouvement chiite comme son agent. Or, des propos similaires ont également été tenus autrefois au sujet de la Syrie. On ne doit pas, non plus, oublier les déclarations des officiels israéliens affirmant qu'à l'issue de cette campagne militaire le visage même du Proche-Orient doit changer. Tout porte à croire qu'on est à peu près du même avis à Washington, en estimant notamment que l'affaiblissement du Hezbollah au Liban doit devenir l'un des résultats de cette campagne militaire de l'Etat hébreu. Néanmoins, cela signifie bel et bien une atteinte aux positions de Téhéran au Proche-Orient. On peut discuter de la valeur et du fondement de ce genre de déclarations, mais il est parfaitement évident que la crise actuelle déborde largement du cadre de la confrontation entre Israël et le Hezbollah et implique la prise en compte de la situation dans toute la région. Ainsi, on ne pourra pas régler définitivement le problème si Damas et Téhéran ne sont pas engagés dans le processus de règlement.

Toujours est-il, cependant, que pas un seul projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU n'est à même de tenir dûment compte de la composante régionale du conflit, car on est déjà submergé par les griefs réciproques d'Israël et du Liban.

Somme toute, la situation paraît sans issue, car le projet de résolution du CS proposé par les Etats-Unis et la France n'arrange pas les deux parties au conflit. Et en premier lieu les Libanais.

"Il est évident pour nous qu'un projet qui ne convient pas à la partie libanaise ne doit pas être adopté, car il ne ferait que prolonger le conflit et les violences", a déclaré le délégué permanent de la Fédération de Russie au Conseil de sécurité, Vitali Tchourkine. Il est difficile effectivement d'y faire objection, tant il serait absurde d'adopter une résolution notoirement irréalisable.

Rien que la veille, le diplomate russe a exhorté les Libanais à lire plus attentivement le texte du projet de résolution qui renferme, selon la communauté internationale, bien des dispositions répondant aux intérêts du Liban, y compris l'appel à la cessation des hostilités. Mais après avoir compris finalement que Beyrouth n'accepterait pas cette résolution, Moscou a corrigé sa position. "La résolution prévoit l'amorce d'un certain processus politique qui doit en perspective déboucher sur le retrait des troupes israéliennes, mais pour le comprendre, il faut en analyser à fond le texte. Qui plus est, la résolution ne donne pas effectivement de garanties absolues que telle sera justement l'évolution de la situation dans un avenir prévisible", a constaté M. Tchourkine, tout en reconnaissant ainsi le bien-fondé des objections de la partie libanaise.

Or il faut aussi se demander si, une fois amendé et rédigé, le projet de résolution ne suscitera pas des objections de la part du gouvernement israélien. Et qui en général peut garantir la mise en application à 100% de n'importe quelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU? Et ce n'est certes pas par hasard que les diplomates se plaignent, comme l'a dit M. Tchourkine, de ne pas avoir de "baguette magique" pour pouvoir satisfaire dans une égale mesure les deux parties au conflit.

D'ores et déjà, écrit le quotidien israélien Haaretz, Israël est mécontent que le projet de résolution ne renferme pas d'appel direct à la création et l'introduction dans la zone du conflit d'une force multinationale. Ce projet ne fait que déclarer qu'une autre résolution sera adoptée plus tard à ce sujet, ce qui signifie en réalité qu'il "n'y aura aucune force multinationale, car il n'y aura tout simplement pas de consensus là-dessus", rapporte le journal, citant une source anonyme au sein du gouvernement israélien. "Ils ont rompu énormément de lances contre l'actuelle résolution purement déclarative, et qu'en sera-t-il quand ils aborderont l'examen d'une résolution pratique?", a poursuivi la source. Et là aussi il est difficile de faire une objection, car on n'y trouve même pas d'allusion à ce que cette force multinationale qu'on envisage de déployer dans une zone tampon entre le Liban et Israël pourrait être formée très prochainement. Et d'ici là, les Israéliens refusent de retirer leurs troupes du territoire libanais.

Dans l'actuelle situation très difficile, les diplomates pourraient sans doute trouver une "baguette magique" dans la décision de Beyrouth pour, en cas de cessez-le-feu et de retrait des troupes israéliennes du sud du Liban, y déployer 15.000 soldats de l'armée libanaise régulière. Selon la Russie, cela pourrait contribuer à la solution du problème. De son côté, le premier ministre israélien a qualifié cette proposition "d'initiative intéressante" qui mérite d'être étudiée. Tout dépend pourtant du contenu pratique d'une telle décision. Il faut effectivement savoir à quel point les Israéliens pourront faire confiance aux militaires libanais qui viendront remplacer le Hezbollah, et quelles tâches seront assignées aux troupes gouvernementales libanaises, si le mouvement chiite Hezbollah est vraiment prêt, comme il le promet, à retirer ses milices du sud du Liban, si une force multinationale viendra finalement en aide aux Libanais et beaucoup d'autres choses encore.

Pendant une vingtaine d'années, soit de 1949 à 1969, Beyrouth a respecté les Accords d'armistice avec Israël. Quoi qu'il en soit, c'était avant la guerre civile au Liban qui a beaucoup affaibli le gouvernement, avant l'apparition du Hezbollah et avant les réalités internationales d'aujourd'hui.

C'est pourquoi la question se pose: ne se reproduira-t-il pas avec cette résolution la même chose qu'avec bien d'autres résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU sur le Proche-Orient? Dans leur majorité, en effet, ces bonnes résolutions renfermant de très belles paroles sont restées lettre morte, alors que, peu après, tout revenait à sa place. La situation dans la région restait toujours explosive. Pour le moment, toutefois, le CS de l'ONU n'a pas le temps de philosopher sur l'avenir du Proche-Orient, les diplomates essayant de trouver un moyen d'y arrêter l'effusion de sang.