ASSIMILATION OU DERIVE NATIONALISTE: L'AVENIR DE LA RUSSIE SE JOUE DANS L'IMMIGRATION

Par Andreï Kolesnikov, RIA Novosti

La ressource qui manquera le plus à la Russie dans les années à venir est la main-d'oeuvre. A partir de 2007, la population active du pays commencera à diminuer graduellement. Le solde annuel de l'accroissement de la population est déjà négatif: - 0,6%. Les pertes qui seront essuyées au cours des 20 prochaines années s'élèveront à 18 millions de personnes. La main-d'œuvre qui disparaîtra ne pourra être remplacée que par des migrants, car les mesures d'encouragement des naissances ne donneront leur effet sur le marché du travail qu'après de nombreuses années. A en juger par la situation désastreuse (d'après diverses estimations, la Russie a besoin de 700.000 à 1 million d'ouvriers immigrés par an), il s'agit non seulement de choisir une main d'oeuvre hautement qualifiée, mais aussi d'une migration massive, et pas seulement russe. Selon les estimations de la démographe Jeanne Zaïontchkovskaïa, la diaspora russe peut fournir au maximum 4 millions de migrants et ces ressources peuvent s'épuiser assez rapidement. Qui plus est, elles feront l'objet d'une concurrence, par exemple, avec les pays d'Europe de l'Est ou avec le Kazakhstan. En outre, ceux qui ne sont pas arrivés en Russie dans les années 1990 ou au début du siècle nouveau n'arriveront probablement pas à cause de risques trop importants et parce que certains vivent confortablement sur leur lieu de résidence actuel.

Par conséquent, la Russie ne devra pas seulement se résigner à la migration massive, mais elle devra aussi la stimuler, en simplifiant tout d'abord les procédures juridiques pour assurer l'adaptation des immigrés. De nombreux économistes et démographes estiment que l'amnistie des immigrés est inévitable.

Il y a un autre aspect du problème. La migration des étrangers provoque la montée des tendances xénophobes en Russie, mais personne ne se rend compte du fait que les migrants accomplissent les travaux qui n'intéressent pas les autochtones. Les migrants ne peuvent pas sortir du ghetto ethnique, et nul ne pense à leur adaptation culturelle. Cependant, tôt ou tard, la Russie devra lutter contre l'hostilité envers les migrants et inculquer la tolérance.

Le fait est que le pays connaîtra une grave crise: celle de l'identité nationale. Cela concerne non seulement la Russie, mais aussi, par exemple, les Etats-Unis où, au lieu de lutter vainement contre "l'hispanisation", il est plus raisonnable d'introduire le "gène de la migration" dans la future culture américaine.

Quant à la Russie, en cas de cas de règlement erroné de cette crise, des conséquences politiques désagréables sont possibles: les hommes politiques qui exploitent le nationalisme gagnent en popularité. Etablir un équilibre adéquat des cultures ethniques, ne pas perdre la main-d'oeuvre, éviter les ébranlements politiques: il faut régler tous ces problèmes dès aujourd'hui.