LE SEG NE POLLUERA PAS LA BALTIQUE

Par Vassili Zoubkov et Viktor Litovkine, commentateurs de RIA Novosti
Voici six mois un consortium international constitué par le russe Gazprom et les Allemands BASF et E.0N AG mettait en chantier le Gazoduc Nord-Européen (SEG) et depuis la conduite ne cesse d'être présentée comme une source potentielle de catastrophe écologique pour la Baltique. Ce que l'on redoute le plus, c'est que les ouvriers "remuent" les substances toxiques militaires "noyées" dans les eaux de la "mer d'ambre" après la Seconde Guerre mondiale. Chose curieuse, les plus préoccupés sont les grands moyens d'information et les politiques des Etats d'Europe orientale que la conduite en construction pourrait priver des revenus supplémentaires procurés par le transit du gaz sibérien acheminé vers la partie ouest du continent. De son côté, l'Europe occidentale pourrait prochainement éprouver une pénurie d'hydrocarbures. En Allemagne, aux Pays-Bas et en France cela est tout aussi préoccupant que les milliers de tonnes d'obus, de bombes et de fûts de substances toxiques allemands immergés dans les profondeurs de la mer Baltique.
Seulement la question de savoir si la pose de la conduite sur le fond de la Baltique risque de provoquer des fuites de substances toxiques n'a rien de oiseux. Elle mérite d'être posée. Sur décision de la Conférence de Potsdam chacun des quatre pays vainqueurs de l'Allemagne hitlérienne (Union soviétique, Etats-Unis, Grande-Bretagne et France) avait reçu sa "part" d'armes toxiques allemandes et il devait les détruire sans tarder. A l'époque les armées soviétique, américaine, britannique et françaises en avaient reçu respectivement 70.500, 104.500, 126.700 et 9.500 tonnes.
Plusieurs hypothèses existent quant à l'utilisation qui a été faite de ces "choses". Selon l'une d'elles, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont coulé 231.000 tonnes de ces produits chimiques placés dans des barges dans le détroit de Skagerrak et dans la rade extérieure du port allemand de Kiel. La France n'a laissé aucune trace de son "travail".
L'Union soviétique a détruit ces armes chimiques de plusieurs façons: par incinération sur les lieux de stockage dans des fours spéciaux ainsi que dans des tranchées à l'air libre, par explosion après avoir placé les obus et les bombes chimiques sur des aires spécialement équipées, par retraitement des substances toxiques pour ensuite les utiliser à des fins civiles. Comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, elle a aussi recouru à l'immersion en mer. Ce procédé a été utilisé pour quelque 60% de ces armes.
L'Armée soviétique a "noyé" 32.000 tonnes de substances toxiques (ST) allemandes dans deux secteurs de la mer Baltique, à 65 milles au sud-ouest du port de Liepaja (Lituanie) et à l'est de l'île de Bornholm (Danemark). Les bombes, obus, mines et fûts étaient directement jetés à l'eau depuis les ponts des navires. Ce sort a été réservé à 455.000 obus et bombes contenant des substances toxiques vésicantes (ypérite), 10.500 tonnes d'obus et de pétards fumigènes contenant diverses substances irritantes, de fûts de cyclon-B... Plus de 500.000 conteneurs au total. Par la suite, de 1947 à 1978, l'Union soviétique a immergé aux mêmes endroits 300.000 tonnes de munitions chimiques fabriquées par elle. Toujours essentiellement de l'ypérite.
Bien sûr, ces faits doivent être rappelés et il serait intolérable de minimiser leur importance. Extrêmement sensible est l'écologie de la mer Baltique bordée par 9 Etats et dont le bassin est habité par 85 millions de personnes. Si par malheur une fuite massive d'ypérite se produisait, cela aurait des conséquences très graves pour la flore et la faune sous-marines ainsi que pour les riverains de la Baltique. Il faudrait que les initiateurs de ce projet d'envergure qu'est le SEG - des sociétés russes et allemandes de renom - soient insensés pour ne pas voir ce danger. Cependant, à la différence de leurs critiques, ils voient le problème et recherchent des solutions pour le régler. Et ces solutions, ils les trouvent.
Le chef adjoint du Département transport, stockage et utilisation du gaz de Gazprom, Sergueï Serdioukov, a déclaré à Ria Novosti qu'en entamant l'étude du tracé de la conduite sur le fond de la mer Baltique la société disposait déjà des cartes des secteurs d'immersion de matières toxiques établies par des spécialistes de la République démocratique allemande. Il a souligné que toutes les questions relatives au tracé du gazoduc avaient été réglées en collaboration avec les organismes environnementaux des pays dont les intérêts sont touchés par le projet. Bien entendu, le tracé du futur SEG contourne les zones sensibles qui, à propos, sont signalées sur toutes les cartes marines.
- Nous avons scanné littéralement chaque centimètre carré du fond de la mer où la double conduite sera posée. Un couloir de 170 mètres de large a ainsi été aménagé pour la recevoir, ce qui est amplement suffisant, a indiqué Sergueï Serdioukov.
Evidemment, les spécialistes ont vu dans quel état se trouvent les munitions qui ont séjourné un demi-siècle dans l'eau de mer. La paroi de la plupart des fûts contenant des ST est rongée par la corrosion, les sacs de caoutchouc contenant l'ypérite eux aussi ont été dissous. La substance qui s'en est échappée constitue une masse visqueuse qui se déplace lentement au gré des courants.
- Ces "déversements mouvants" présentent un certain danger pour nous, a dit l'interlocuteur de RIA Novosti. Les ouvriers de Gazprom vont devoir prélever des carottes et personne n'est à même de dire quel sera le comportement du matériel de forage en pénétrant dans cette bouillie. Ce qui est quelque peu réconfortant, c'est que plusieurs substances toxiques ont déjà perdu leurs propriétés délétères et que les munitions chimiques ont été immergées sans leur détonateur.
La professeure Natalia Kalinina, spécialiste de renom des armes chimiques, rejoint le représentant de Gazprom sur cette question. Elle affirme que la masse visqueuse qui a séjourné si longtemps sous l'eau a enveloppé l'ypérite et les autres ST et protège sûrement la flore et la faune de la Baltique.
Pour sécuriser la mer et son milieu et aussi, bien sûr, le gazoduc posé sur le fond, des normes de sécurité écologique extrêmement rigoureuses ont été élaborées pour la Baltique. Le tuyau sera enrobé d'un triple revêtement en émail asphalté avant d'être noyé dans le béton. Ce béton aura le même effet que le plomb d'un bas de ligne et protégera la conduite des chocs éventuels. Quant à l'acier utilisé pour la fabrication des tubes, il correspondra aux normes Off shore Standart DNV-05-F-101 Submarine Pipeline Systems et G1, et Rules Subsea Pipelines and risers.
Pour ce qui est des standards du contrôle international, il faut souligner que le projet définitif de la partie immergée du SEG sera soumis à une expertise de l'organisation indépendante Veritas Group, qui rendra son verdict concernant la sécurité écologique du Gazoduc Nord-Européen et son opportunité économique.
Gazprom et ses partenaires allemands - des sociétés de premières grandeur dans le monde économique - entendent réaliser leur projet dans la Baltique dans toutes les règles de l'art, y compris sur le plan écologique.
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