Le crédit hypothécaire ne résoudra que partiellement le problème du logement en Russie

Par Vassili Zoubkov, commentateur économique de RIA Novosti
Au cours des récentes auditions parlementaires sur le projet national prioritaire "Logement accessible et confortable pour la population", les députés ont évoqué le problème du coût élevé de l'habitat et les perspectives de développement du crédit hypothécaire.
Le salaire moyen actuel étant de 300 dollars environ, seulement 9% des familles russes peuvent acheter ou faire construire un logement avec leur épargne ou grâce à un crédit hypothécaire. Dans le cadre du projet d'aide au logement, les autorités russes envisagent de porter le nombre des familles pouvant d'acheter un appartement à 30% d'ici à 2010. Le succès de ces plans semble néanmoins incertain.
Selon la pratique mondiale, la situation est considérée comme normale lorsque le coût du logement n'excède pas le revenu quinquennal de la famille. En Russie, compte tenu du salaire moyen cité plus haut, un logement neuf coûte 25 à 30 fois le budget familial annuel moyen.
Le système de crédit hypothécaire en Russie se développe en principe rapidement compte tenu du fait qu'il a été lancé il y a trois ou quatre ans seulement. L'année dernière, 3 milliards de dollars de crédits hypothécaires ont été accordés dans l'ensemble du pays et le nombre des familles qui en ont profité a doublé par rapport à 2004 où 40 000 familles avaient saisi l'occasion pour acheter un logement. A supposer que cette année la situation soit la même, le chiffre sera quand même inférieur à 3% du nombre total des foyers (4,5 millions) inscrits sur les listes d'attente et auxquels l'Etat est tenu d'octroyer un logement.
Le crédit hypothécaire a-t-il des perspectives? Le marché de ces prestations se développe en Russie pour différentes raisons. Premièrement, ce crédit devient de plus en plus accessible grâce à la réduction des taux d'intérêt. A l'heure actuelle, il est en moyenne de 10,5% à 11,5% en monnaie étrangère et de 14% à 15% en roubles. Certaines banques consentent des crédits à moins de 10% sur dix ans.
Deuxièmement, l'apparition de la loi sur les historiques de crédit a joué son rôle. A l'heure actuelle, on compte quatorze bureaux d'historiques de crédit dans le pays. Ils ont recueilli en un an des informations sur un million de clients qui ont contracté des crédits auprès de 350 banques habilitées à accorder des crédits à la consommation et au logement.
Cependant, la hausse incroyable du prix des logements entrave le développement du crédit hypothécaire. Le premier vice-président de la Douma d'Etat, Oleg Morozov, a reconnu aux cours des auditions parlementaires qu'au rythme actuel de la hausse des prix des logements, le crédit hypothécaire est inconcevable. La vente de logements neufs rapporte aux spéculateurs jusqu'à 50% de leur coût réel.
Selon différentes sources, au mois de mars le prix des logements a augmenté de 7%. C'est le record absolu des huit dernières années. Le mètre carré dans la capitale a dépassé le cap des 2 700 dollars. Aujourd'hui, un million de dollars ne suffit pas pour acheter un appartement dans un immeuble élitaire au centre de Moscou.
Pour la majeure partie de la classe moyenne les acomptes obligatoires de 30% constituent une charge insupportable. Les banques, qui tiennent à éviter au maximum les risques inhérents au crédit hypothécaire, posent des conditions très rigides à leurs clients. Par exemple, un emprunteur ayant un salaire de 1 000 dollars peut compter sur un crédit décennal de 30 000 à 40 000 dollars avec lesquels il ne pourra acheter un logement qu'en dehors de Moscou. Pour demander 100 000 dollars, il faut avoir un revenu égal à au moins 2 000 dollars par mois.
Il ne faut pas oublier qu'outre le crédit principal et les intérêts, le client est redevable de toutes sortes de commissions supplémentaires et d'amendes, sans parler de l'assurance du crédit qui est également à sa charge.
Qu'est-ce qui fait que le crédit hypothécaire se développe? L'une des causes réside dans ce que l'on appelle le "logement d'investissement" qui a vu le jour à la faveur de la hausse vertigineuse des prix de l'habitat. C'est un business à la mode. Le propriétaire d'un "logement d'investissement" acheté il y a un an au moyen d'un crédit hypothécaire peut le revendre au prix actualisé, c'est-à-dire 20% à 30% plus cher. La différence est si importante qu'elle suffit pour rembourser le crédit et en tirer en gain palpable.
De l'avis de nombreux experts, l'essor du crédit hypothécaire en Russie sera assuré au niveau régional où le coût de l'habitat est considérablement plus bas. Mais là aussi il commence à monter rapidement. Comme il y a peu d'emprunteurs éventuels en province, cette ressource s'avère limitée.
Le nombre des acheteurs de biens immobiliers au moyen du crédit hypothécaire pourrait augmenter considérablement si les banques renonçaient à préférer le marché secondaire du logement. Il est clair qu'elles préfèrent consentir des crédits pour les logements existants et ayant une valeur plutôt que pour un habitant en chantier dont le prix ne sera pas connu avant plusieurs années. Pour cette raison, le crédit hypothécaire pour la population reste peu développé à la campagne.
Des perspectives s'ouvrent devant le crédit hypothécaire grâce la ce que l'on appelle l'"hypothèque sociale" ou les logements pour les emprunteurs appartenant à la catégorie de population dépourvue de protection sociale. Le sens de cette idée largement débattue consiste en ce que l'Etat ou les collectivités locales s'engagent à couvrir une partie du crédit accordé pour la construction d'un logement. Par exemple, comme cela se pratique à Moscou, à compenser le prix du mètre carré, qui s'élève actuellement à plus de 2500 dollars, pour le ramener à 500-700 dollars, autrement dit à son prix de revient. Ou bien à calculer l'acompte et le crédit en partant du prix réel de l'appartement et non pas de celui du marché.
Il existe dans le pays des programmes efficaces de soutien aux jeunes familles si l'un des époux a moins de trente ans ou pour les militaires ayant servi dix ans et percevant une subvention spéciale. Le crédit hypothécaire social intéresse davantage les familles souhaitant quitter des maisons vétustes ou celles qui attendent depuis des dizaines d'années de pouvoir emménager dans un logement neuf. On ne voit pas bien comment les autres couches de la population, les ouvriers, les paysans, les médecins, les enseignants, les scientifiques, qui ne sont pas des hommes d'affaires, peuvent acquérir un appartement ou une maison.
Le crédit hypothécaire pourra-t-il résoudre ne fût-ce que partiellement le problème de l'habitat en Russie? Très partiellement. L'auteur de ces lignes est convaincu que sans une participation agissante et puissante de l'Etat et de ses moyens au secteur du logement et à l'industrie des matériaux de construction, les perspectives du projet national d'aide au logement ne sont pas évidentes.
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