LA GLACE ET LA FLAMME La grande ballerine continue à régner

par Anatoli Korolev, commentateur de RIA Novosti
L'enfance de Maïa Plissetskaia ne lui promettait rien sauf des souffrances. Elle est née à Moscou, un an après la mort de Lénine, lorsque le pouvoir de Staline, telle une nuée, assombrissait la vie du pays. Peu après, la famille de Maïa déménagea dans le lointain Spitzberg où son père dirigeait les houillères soviétiques. C'est là que le talent exceptionnel et la passion de Maïa pour la danse ont commencé à s'épanouir. Une silhouette idéale, un tempérament fougueux et une intelligence exceptionnelle, tous les éléments étaient réunis pour offrir au théâtre russe une nouvelle Anna Pavlova. En 1934, Maïa a été admise à l'école chorégraphique de Moscou. Trois ans plus tard, son père était arrêté sous une fausse accusation et fusillé, sa mère a été emprisonnée.
Maïa a supporté stoïquement sa solitude et a intégré la troupe du Bolchoï aussitôt après la fin de ses études à l'école chorégraphique. C'était en avril 1943, au plus fort de la guerre. La jeune ballerine n'a cessé de perfectionner son art silencieux de la danse.
Cherchant son style de danse, Maïa Plissetskaia a mis l'accent sur la plastique, la technique artistique et l'interprétation émotionnelle. Elle a apporté l'émotivité méridionale, presque espagnole, dans la manière classique froide et rationnelle qui régnait et règne jusqu'à présent sur la scène du Bolchoï. Elle ne craignait pas les passions qui, associées à la maîtrise impeccable et à l'interprétation remarquable du rôle, ont fait d'elle la véritable Reine du Bolchoï.
Ses premiers rôles - Macha dans "Casse-Noisettes" de Piotr Tchaïkovski, Odette-Odile dans le "Lac des Cygnes", la patronne du Mont de cuivre dans le ballet de Serguei Prokofiev "Fleur de pierre", Raymonde dans le ballet du même nom d'Ilya Glazounov - ont consacré Maïa Plissetskaia danseuse étoile du Bolchoï et étoile de classe européenne.
Cette ballerine a dansé le "Lac des Cygnes" plus de 800 fois en 30 ans – une carrière de danseuse inégalée !
Son interprétation de Carmen dans "Carmen-Suite" de Bizet-Chtchedrine a fait sensation.A cette époque (les années 60), Maïa Plissetskaia a épousé Rodion Chtchedrine, compositeur intellectuel, créateur d'une musique nouvelle, qui a aidé la ballerine à exhiber encore mieux son talent. Interprétant Carmen, Maïa Plissetskaia a créé une série exceptionnelle de danses improvisées.
Maïa Plissetskaia a mérité la gloire mondiale.On a vu apparaître le "style Plissetskaia" qui reste présent dans le ballet mondial: les bras du cygne, la tête rejetée, le corps incliné en arrière, la pose fixe.
Son accession à l'Olympe de la danse a coïncidé avec la fin de l'époque stalinienne. Bien que l'ère du socialisme achevé ait continué de réprimer la liberté de création, Maïa Plissetskaia a manifesté brillamment ses élans artistiques. En la regardant, des milliers de personnes s'initiaient à la liberté. La glace a commencé à fondre. L'aspect politique de l'oeuvre de Maïa Plissetskaia reste malheureusement peu étudié.
Son interprétation géniale du "Cygne" de Saint-Saëns est un monument de cette époque-là. C'était jadis la danse principale d'Anna Pavlova. Maïa Plissetskaia a décidé de la reproduire à sa manière et ce fut un succès.
En 1972, elle a mis en scène (avec d'autres chorégraphes) le ballet "Anna Karenina" sur une musique de Rodion Chtchedrine, huit ans plus tard, le ballet "La Mouette" également sur sa musique où elle a merveilleusement interprété les rôles principaux. Ensuite, elle a dirigé la troupe du Ballet national d'Espagne, ce qui lui a valu d'être décorée par le roi d'Espagne Juan Carlos qui lui a accordé un titre de noblesse.
Ordinairement, le travail de la ballerine est de courte durée. Aussi mystérieux que cela soit, Maïa Plissetskaia a su conserver l'esprit créateur, la maîtrise et la beauté à 50, à 60, à 70 ans, même jusqu'à son présent anniversaire.
A 50 ans, elle danse le "Boléro" de Maurice Béjart donné en première à Bruxelles.A 60 ans, elle danse la "Dame au petit chien" de Rodion Chtchedrine, ballet également donné en première. Elle y danse 50 minutes, ensuite 46 minutes d'une "Carmen-Suite" fougueuse.
Belle, vêtue toujours à la mode, le dos droit, Maïa Plissetskaia continue à captiver le public russe même en dehors de la scène. Moscou a célébrera son anniversaire - le 20 novembre - par un festival organisé à cette occasion, dont le point culminant sera une soirée de gala au Palais du Kremlin où les chorégraphes Alexei Ratmanski et Dmitri Tcherniakov ont préparé, sur la base du ballet "Don Quichotte", un show théâtral en l'honneur de la grande danseuse du 20e siècle.
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