RUSSIE-UE : DES DESACCORDS SUBSISTENT MAIS ILS NE SONT PLUS INSURMONTABLES

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Par Alexeï Makarkine, directeur général adjoint du Centre des technologies politiques pour RIA Novosti

Le sommet Russie-Union européenne de Londres n'a pas abouti à des résultats sensationnels.

Des rapports normaux, assez prévisibles, plutôt routiniers, se sont établis entre les partenaires qui participaient aux négociations. A plusieurs reprises, les sommets "routiniers " de l'UE ont néanmoins débouché sur des "percées", comme cela avait été le cas l'année dernière lorsque l'Europe avait donné son feu vert à l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

A Londres un sujet technique important a été abordé, à savoir le renouvellement de l'accord décennal de partenariat et de coopération entre la Russie et l'Union européenne, celui-ci expirant en 2007.

Bien sûr, des complications peuvent toujours surgir au cours de l'élaboration du nouvel accord. Cependant, comme dans tout dialogue normal, ces complications ne doivent pas être trop nombreuses ni leur importance minimisée.

Celles-ci se traduisent notamment par le report de la signature au bas de l'accord sur l'allègement du régime des visas pour plusieurs catégories de Russes: étudiants, boursiers de thèse, chercheurs, membres de délégations officielles, professionnels de la culture. La partie russe était disposée à le signer à Londres. Les Européens pour leur part ont déclaré ne pas être prêts. "Nous étions presque tombés d'accord" sur certaines questions, voilà ce que l'on entend maintenant de la bouche de diplomates russes.

Officiellement, les Européens invoquent des problèmes techniques, mais au fond il s'agit de la spécificité du fonctionnement de l'UE. Pour entériner le projet de tout document, l'accord des 25 Etats membres de l'Union est indispensable. Malgré l'aval des 25 Etats membres, les Européens demandent à présent à la Russie de consentir à de nouvelles concessions. Toutefois, le principe de l'allègement du régime des visas n'est plus contesté, l'accord serait signé dit on, soit à la fin de l'année ou en 2006.

La Russie et les Européens ont aussi des vues divergentes sur le problème du Caucase du Nord (Tony Blair, le chef du gouvernement de la Grande-Bretagne, pays qui préside actuellement à l'UE, a déclaré tout spécialement que le thème tchétchène avait été débattu au sommet). Cependant, il serait exagéré d'affirmer que ces vues sont aussi diamétralement opposées qu'il y a quelques années. Les Européens se montrent toujours plus critiques vis-à-vis de l'activité des séparatistes tchétchènes qui après Nord-Ost et Beslan ne sont plus considérés comme des combattants de la liberté par la majorité des politiques européens.
L'Occident est prêt à coopérer avec les forces sociales et politiques menant une activité légale au Caucase du Nord. Cependant le problème est de savoir qui sera chargé de contrôler la réalisation des projets humanitaires: la partie russe ou la partie occidentale? Il faut souligner ici qu'un accord de principe existe sur le caractère des actions et que si les désaccords ne sont pas négligeables, ils sont quand même secondaires.

Les participants au sommet se sont également penchés sur la question du dialogue énergétique. A propos, la Russie avait entrepris une démarche la veille du sommet. En visite à Bruxelles avant de rejoindre Londres, Vladimir Poutine avait déclaré que la Russie souhaitait accroître le nombre des participants au projet de gazoduc Nord-Européen (NEG) afin de le rendre davantage stable et équilibré. Actuellement, des sociétés russes et allemandes sont impliquées dans le projet. Selon le président russe, des compagnies françaises, britanniques, néerlandaises et belges manifestent de l'intérêt pour le NEG. Ce projet retient l'attention des pays de la "vieille Europe" dans la mesure où il contribuerait à renforcer la sécurité énergétique de l'Occident.

En effet, recevoir le gaz via plusieurs Etats de transit, c'est une chose, mais c'est autre chose que d'être approvisionné directement par un tube posé sur le fond de la Baltique. Chose remarquable, ces pays de transit sont notamment des représentants de la "nouvelle Europe", à savoir la Pologne et aussi l'Ukraine, qui ambitionne de devenir partie intégrante de l'Europe unie. Par conséquent, l'initiative russe concernant le gaz pourrait provoquer des désaccords entre les anciens membres de l'Union européenne et les néophytes.
Toutefois, aucun projet gazier concret ne figure dans le dialogue entre la Russie et l'UE: c'est une composante des relations interétatiques et des ententes entre sociétés. Aussi peut-on penser que si sur certaines questions politiques la "vieille Europe" va au-devant de la "nouvelle" (par exemple, en soutenant la "révolution orange" l'année dernière en Ukraine), dans le domaine économique elle défendra ses propres intérêts sans pour autant enfreindre les principes fondamentaux de l'UE.

Les rapports entre la Russie et l'Europe comportent deux formats. Au niveau bilatéral les pourparlers avec nos partenaires traditionnels - la France et l'Allemagne par exemple - se concrétisent plus rapidement que lors de dialogues difficiles avec l'UE, lorsqu'il faut tenir compte de la position de tous ses membres. Cependant, les parties sont unanimes sur la nécessité de dialoguer: la Russie n'a pas l'intention de dresser un nouveau rideau de fer pour l'Occident. De son côté, l'Occident voudrait voir en Russie un partenaire et non pas un opposant difficilement prévisible.